THEROIGNE DE MERICOURT : LA PLUS BELGE DES REVOLUTIONNAIRES FRANCAISES

Elle est une des femmes auxquelles Michel Onfray rend hommage dans son récent ouvrage : La Force du sexe faible. Contre-histoire de la Révolution Française. Comme Olympe de Gouges, Charlotte Corday ou Mme Roland, elle fut une des premières féministes, et surtout l’une des nombreuses humanistes, de cette période troublée et sanglante de notre histoire. Fille spirituelle de Plutarque et de Condorcet, elle joua un rôle important pour donner à la Révolution un visage humain. Portrait de la « belle Liégeoise ».

Théroigne de Méricourt en 1791. Portrait de Jean Fouquet.
Théroigne de Méricourt en 1791. Portrait de Jean Fouquet.

Elle naît Anne-Josèphe Terwagne en 1762, à Marcourt. Campagne de Liège. Aujourd’hui, elle serait Belge. Famille de paysans aisés. Mais très vite la catastrophe s’abat sur elle : orpheline de mère, elle devient le souffre douleur d’une belle mère acariâtre. Cendrillon dans un Siècle des Lumières. De couvent en parent maltraitant, de l’opulence originelle à la misère qui fait son lit, la jeune Terwagne doit son salut à une famille anglaise de passage, qui l’embauche comme dame de compagnie pour les enfants. Elle apprend alors à lire, à écrire, à chanter, à jouer du piano. Elle rencontre un jeune officier anglais. Cendrillon semble vivre son conte de fée.

Sauf que le jeune officier anglais l’emmène à Paris et lui montre son univers familier : celui du libertinage. Le XVIIIème siècle est aussi celui de Sade… Enfant maltraitée, elle devient objet sexuel. Y prend goût ? Elle attrape la syphilis. Et cette maladie la fera souffrir jusqu’à la mort. En passant par la folie.

Pour l’heure, elle prend un traitement à base de mercure qui la fait horriblement souffrir, mais qui éloigne encore la démence. C’est à Paris qu’elle devient Théroigne de Méricourt. C’est la presse royaliste qui l’appelle de cette façon : en l’affublant d’une particule, elle veut la faire passer pour une traîtresse à la cause du roi et comme une ennemie du peuple. Elle loue un logement à Versailles pour suivre les délibérations de l’Assemblée. Elle s’intéresse à l’élaboration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Elle assiste aux débats entre députés. Elle reçoit chez elle Desmoulins, Sieyès, Brissot. Elle fonde en janvier 1790 la Société des amis de la Loi. Dans ce club, ils sont nombreux, les « think tanks » de l’époque, on propose des idées neuves pour réformer cette société sclérosée aux finances proches de la banqueroute, où la noblesse gaspille et où le peuple meurt de faim. Abrogation de la loi contraignant à payer pour être élu député, citoyenneté entière pour les juifs, « pour les musulmans et les hommes de toutes les sectes », liberté de la presse, égalité entre hommes et femmes.

La marche des femmes du 6 octobre 1789.
La marche des femmes du 6 octobre 1789.

Ce club-là est dissout. Qu’à cela ne tienne, elle en fonde un autre : le club des Droits de l’Homme. Homme au sens d’être humain bien sûr. Les valeurs défendues ? Fraternité, justice, bonnes mœurs, vertu, défense des faibles par l’éducation. Hugo n’a rien inventé…

Théroigne attise les haines. À droite, la haine des ultra royalistes. À gauche, la haine des Montagnards, qui se révèleront d’ultra révolutionnaires sanguinaires. Les Montagnards accoucheront d’un monstre : la Terreur robespierriste. Elle continue son combat pacifiste. Elle fait sienne les idées de Condorcet : abolition de l’esclavage, abolition de la peine de mort, y compris celle du roi, égalité des droits entre hommes et femmes. Ces idées sont diffusées largement par les travaux d’un club mixte qui voit le jour en 1791 : la Société fraternelle des deux sexes. Théroigne en fait évidemment partie.

Fatiguée des attaques continuelles, elle se réfugie un temps en Belgique, sa terre natale, et y exporte les idées neuves de la Révolution. Elle se plonge à nouveau dans la lecture des philosophes antiques. Retour aux sources encore. Considérée comme une complotiste par les ennemis royalistes, elle est arrêtée et incarcérée dans une prison autrichienne. Elle y reste une année entière. Elle y découvre les textes de Rousseau.

De retour en France, celle que la presse royaliste surnomme la « charogne ambulante » est accueillie chaleureusement par les Girondins, les modérés de la Révolution. Ils l’invitent d’ailleurs à témoigner de son aventure à la tribune de l’Assemblée le 1er février 1792. Le procureur de la Commune dit d’elle :

Vous venez d’entendre une des premières amazones de la liberté. Elle a été martyre de la Constitution.

Brissot, leader de la frange girondine, parle d’elle comme d« une amie de la liberté ». Forte de ce soutien, elle crée des légions d’amazones, des phalanges féminines. Elle harangue les citoyennes, elle parle de

progrès des Lumières qui vous invitent à réfléchir (…) il faut prendre pour arbitre la raison(…) Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité, où l’ignorance, l’orgueil, et l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps (…) Nous aussi nous voulons mériter une couronne civique, et briguer l’honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chère qu’à eux, puisque les effets du despotisme s’appesantissent encore plus sur nos têtes que sur les leurs.

Quelle audace ! Quelle témérité ! Quels risques pris aussi dans une Révolution qui prend un tournant résolument  machiste et terroriste…. Fessée publique. Insultes de plus en plus violentes dans les journaux hostiles à son action. Notamment de la part de François Suleau, journaliste aux Actes des Apôtres… Celui-ci finit mal : pris à partie et assassiné  par une foule populaire animée de vengeance. Théroigne est dans cette foule. Elle ne tue pas. La violence est contre nature pour elle. Mais il n’en faut pas plus pour qu’elle soit arrêtée.

Théroigne de Méricourt en amazone. Auguste Raffet.
Théroigne de Méricourt en amazone. Auguste Raffet.

Elle n’est pas guillotinée. Elle est enfermée dans un asile, après avoir été déclarée folle… Sans traitement contre la syphilis, qu’elle porte en elle depuis sa jeunesse, folle elle le devient effectivement… Elle passe 23 années de sa vie dans une cellule… Quelle étrange fin pour cette passionnée de la raison…

Ses paroles comme un testament :

Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons, ou nous sommes perdus. Le moment est enfin arrivé où l’intérêt de tous veut que nous nous réunissions, que nous fassions le sacrifice de nos haines et de nos passions pour le salut public.

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2 commentaires sur “THEROIGNE DE MERICOURT : LA PLUS BELGE DES REVOLUTIONNAIRES FRANCAISES

  1. […] Cette femme, la plus belge des révolutionnaires françaises, est Théroigne de Méricourt. Une destinée exceptionnelle. La « belle Liégeoise », orpheline et souffre douleur, devient libertine et libertaire, dans un Siècle des Lumières en effervescence. Pour re découvrir cette personnalité exceptionnelle de l’Histoire des Droits de l’Homme, et de la Femme, rendez-vous : là. […]

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