DES LETTRES ET DES NOTES : LES TALENTS DU COLLEGE JULES VERNE

Coup de projecteur sur les talents du Collège Jules Verne de Grande Synthe. Musiciens, chanteurs et … génie de l’épellation. Cette première période a été riche en événements pour l’établissement, et riche d’apprentissages et d’expériences pour les élèves…

DO YOU « SPELL ENGLISH » ?

Seriez-vous capables d‘épeler de mémoire, sans vous tromper, le vocabulaire censé être acquis par un élève de 6ème… Et il y en a, des mots ! Entre les mois de l’année, les jours de la semaine, les nombres de 0 à 31… Ajoutez à cela les mots qui se rapportent au vocabulaire de l’école… Mais si ! Vous vous souvenez… « schoolbag », « pencilcase », « copybook »… Oui oui, en anglais s’il vous plaît… Epeler tous ces mots de la langue de Shakespeare sans flancher, et devant un jury composé de vos pairs qui vous jugent et vous évaluent. C’est le principe du Spelling Bee, et c’est ce à quoi se sont entraînés tous les élèves de 6ème du Collège Jules Verne de Grande Synthe depuis la rentrée. Préparés par leurs professeures, soutenus pas leurs condisciples, les champions de chaque classe se sont ensuite affrontés à l’Atrium le mercredi 13 septembre dernier. Et les meilleurs des meilleurs, the best, ont gagné !

Finale du Concours Spelling Bee organisé par les professeures d’anglais du Collège Jules Verne

Bravo aux finalistes de chaque classe de 6ème : B. Ilham, D. Mohamed-Amine, H. Lucas, H. Noham, K. Samira, M. Maymouna, M. Sana, Z. Dounia. Et bravo aux trois grands gagnants de ce concours (récompensés par des bons cadeaux financés par l’A.S.C.), les champions du Spelling Bee 2021 : H. Noham, K. Samira et M. Sana.

LA MEME, EN FRANCAIS

Sauriez-vous épeler de mémoire, sans vous tromper, des mots comme « parallélogramme« , « étymologie« , « métaphore » ou « méditerranéenne » ? En n’oubliant aucun accent bien sûr… C’est ce à quoi se sont entraînés les mêmes élèves de 6ème du Collège Jules Verne de Grande Synthe sur la même période. Debout, chacune, chacun derrière sa chaise, concentré(e), on dit le mot, on l’épelle, on le dit à nouveau. Ou comment mémoriser l’orthographe des mots de façon ludique. Et efficace. Les mots dont il faut mémoriser l’orthographe appartiennent au vocabulaire que tout élève de 6ème doit connaître dans les différentes matières qui lui sont enseignées : l’histoire géo a son « planisphère », le français son « étymologie » et les maths leur « parallélépipède ». 8 champions et championnes (2 par classe) se sont affrontés le lundi 18 octobre à l’Atrium.

Inesse F. et Ceren C., les deux finalistes de 6ème B, accompagnées de M.Marecaux, principal adjoint, et de leur professeure de français, Mme Tricot.

Bravo aux finalistes des 3 autres classes de 6ème : D. Mohamed-Amine, E. Inès, S. Hafssa, F. Mariska, D. Léa, Z. Dounia. Champions de l’orthographe récompensés par des bons cadeaux financés par l’A.S.C. évidemment…

DU BLUES MAIS PAS LE BLUES

Ceux-là sont plus grands. Ils n’épellent pas, ils chantent et fréquentent la classe orchestre du Collège Jules Verne. Et ils ont eu la chance de participer récemment, accompagnés par leur professeure d’éducation musicale, à une master class organisée par le « Monsieur Musique » du lycée du Noordover, Nicolas Callens.

Quelques élèves musiciens et chanteurs du Collège Jules Verne ont rejoint leurs camarades lycéens pour une master class.

Le blues, ils le chantent, mais ne l’ont certainement pas après cette journée exceptionnelle passée avec les artistes musiciens et chanteurs du Mister Chang Bluz Explosion, dans le cadre du Bay-Car Blues Festival.

A Jules Verne, entre notes de musique et orthographe des mots, on cultive les talents…

images 1 et 2 : crédits Jules Verne Grande Synthe

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Inès, Shaima, Wesley, Djody, Lucie, Livie, Loic et les autres : les relais du Coeur du Collège Jules Verne de Grande Synthe

Ils ont lu et étudié en classe le Discours sur la misère de Victor Hugo, prononcé en 1849 devant les Députés de l’Assemblée Nationale. Ils ont été touchés. Ils ont compris que rien n’avait vraiment changé. Que la misère était toujours à leur porte. Qu’elle était même parfois en train de s’immiscer chez eux… Alors, ils ont eu une grande idée, une idée « magnifique », une idée « sublime », aurait renchéri Hugo, une idée généreuse : organiser une collecte de vivres au sein de leur collège. Ils se sont improvisés Relais du coeur, mais aussi communicants et journalistes, pour battre la campagne autour de leur projet, pour faire battre les coeurs… C’est d’ailleurs leur article qui suit…

LES 4èmes BRANDT ET LES RESTOS DU COEUR :

aidons les personnes dans le besoin !

DONNER POUR SAUVER !!!

L’annonce du projet

Nos professeures, Mme Le Bris et Mme Tricot, nous ont proposé de participer à un projet qui consiste à récolter des dons pour les personnes dans le besoin. Tout ce que nous allons apporter sera donné à l’association, les Restos du cœur. Tous les élèves étaient enthousiastes à l’idée d’organiser ce projet et d’aider ces personnes.

La réalisation du projet

Pour commencer, nous avons constitué 5 groupes d’élèves. Nous nous sommes réparti les tâches :

Deux groupes sont chargés de faire des affiches que nous allons exposer dans tout le collège.

Un autre groupe, de rédiger cet article pour faire parler de notre projet.

Un autre, le diaporama, qui sera diffusé dans le hall de notre collège Jules Verne.

Et le dernier s’occupe des flyers que nous allons distribuer dans toutes les classes.

Notre but est de récolter un maximum de dons pour pouvoir sauver le maximum de personnes.

Les dons que nous allons récolter sont :

  • des conserves,
  • des pâtes, du riz, de la semoule,
  • des légumes secs,
  • des pots pour bébé,
  • et des produits d’hygiène (dentifrice, savon, couches…)

Images : crédits élèves de 4ème Brandt

QUE NOS IDEES SOIENT IMPREGNEES D’ENFANCE…

Lettre de Jean Jaurès aux instituteurs

La Dépêche de Toulouse, 15 janvier 1888

« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin, ils seront hommes et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort. Eh ! Quoi. Tout cela à des enfants ! Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. J’entends dire, il est vrai : “A quoi bon exiger tant de l’école ? Est-ce que la vie elle-même n’est pas une grande institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d’une démocratie ardente, l’enfant devenu adulte ne comprendra point de lui-même les idées de travail, d’égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie elle-même ?” Je le veux bien, quoiqu’il y ait encore dans notre société, qu’on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits. Mais autre chose est de faire tout d’abord amitié avec la démocratie par l’intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l’âme de l’homme, à l’idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d’orgueil blessé ou de misère subie, un ressentiment et une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la justice à des cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité. Comment donnerez-vous à l’école primaire l’éducation si haute que j’ai indiquée ? Il y a deux moyens. Il faut d’abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils ne puissent plus l’oublier de la vie et que, dans n’importe quel livre, leur œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c’est la clé de tout. Est-ce savoir lire que de déchiffrer péniblement un article de journal, comme les érudits déchiffrent un grimoire ? J’ai vu, l’autre jour, un directeur très intelligent d’une école de Belleville, qui me disait : “Ce n’est pas seulement à la campagne qu’on ne sait lire qu’à peu près, c’est-à-dire point du tout ; à Paris même, j’en ai qui quittent l’école sans que je puisse affirmer qu’ils savent lire”. Vous ne devez pas lâcher vos écoliers, vous ne devez pas, si je puis dire, les appliquer à autre chose tant qu’ils ne seront point par la lecture aisée en relation familière avec la pensée humaine. Qu’importent vraiment à côté de cela quelques fautes d’orthographe de plus ou de moins, ou quelques erreurs de système métrique ? Ce sont des vétilles dont vos programmes, qui manquent absolument de proportion, font l’essentiel. J’en veux mortellement à ce certificat d’études primaires qui exagère encore ce vice secret des programmes. Quel système déplorable nous avons en France avec ces examens à tous les degrés, qui suppriment l’initiative du maître et aussi la bonne foi de l’enseignement, en sacrifiant la réalité à l’apparence ! Mon inspection serait bientôt faite dans une école. Je ferais lire les écoliers, et c’est là-dessus seulement que je jugerais le maître. Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! Et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain qui, trompé par les yeux, a pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque, par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l’émotion de son esprit. Ah ! Sans doute, avec la fatigue écrasante de l’école, il vous est malaisé de vous ressaisir ; mais il suffit d’une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l’ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de l’intelligence s’éveiller autour de vous. Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser. Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est indéniable : “Les enfants ont en eux des germes, des commencements d’idées”. Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre : il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur. Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine, en quelques années, œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence, il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

Jean Jaurès, professeur de philosophie (et homme politique...)
Jean Jaurès, professeur de philosophie (et homme politique…)

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POUR LUTTER CONTRE LA « PEDAGOGIE DE GARCON DE CAFE » : FIN DE LA COMPETENCE. RETOUR A LA PENSEE

Ce sont les vacances, et les profs en ont bien besoin. À l’heure où l’on reparle de réduire la durée des congés d’octobre, il est bon de rappeler que leurs missions, empilées façon millefeuille depuis deux décennies, s’accompagnent d’une fatigue mentale due à une dépense d’énergie folle pour capter l’attention et la concentration des élèves… Pourquoi ce déploiement d’énergie ?  En septembre 2011, le journal Le Monde publiait un entretien croisé entre Philippe Meirieu, pédagogue et essayiste, et Marcel Gauchet, historien et philosophe, qui apportent ensemble des réponses à ce phénomène d’éparpillement de l’attention de la jeunesse.  De l’enfant désiré à la marchandisation de nos désirs et de la société. Retour sur un processus qu’il est temps d’inverser si l’on veut instaurer à nouveau dans les classes le calme et la concentration nécessaires à la pensée…

Philippe Meirieu : Nous vivons, pour la première fois, dans une société où l’immense majorité des enfants qui viennent au monde sont des enfants désirés. Cela entraîne un renversement radical : jadis, la famille « faisait des enfants », aujourd’hui, c’est l’enfant qui fait la famille. En venant combler notre désir, l’enfant a changé de statut et est devenu notre maître : nous ne pouvons rien lui refuser, au risque de devenir de « mauvais parents »…
Ce phénomène a été enrôlé par le libéralisme marchand : la société de consommation met, en effet, à notre disposition une infinité de gadgets que nous n’avons qu’à acheter pour satisfaire les caprices de notre progéniture.
Cette conjonction entre un phénomène démographique et l’émergence du caprice mondialisé, dans une économie qui fait de la pulsion d’achat la matrice du comportement humain, ébranle les configurations traditionnelles du système scolaire.
Pour avoir enseigné récemment en CM2 après une interruption de plusieurs années, je n’ai pas tant été frappé par la baisse du niveau que par l’extraordinaire difficulté à contenir une classe qui s’apparente à une cocotte-minute.

Dessin de Jack (site Danger Ecole)

Dans l’ensemble, les élèves ne sont pas violents ou agressifs, mais ils ne tiennent pas en place. Le professeur doit passer son temps à tenter de construire ou de rétablir un cadre structurant. Il est souvent acculé à pratiquer une « pédagogie de garçon de café », courant de l’un à l’autre pour répéter individuellement une consigne pourtant donnée collectivement, calmant les uns, remettant les autres au travail.
Il est vampirisé par une demande permanente d’interlocution individuée. Il s’épuise à faire baisser la tension pour obtenir l’attention. Dans le monde du zapping et de la communication « en temps réel », avec une surenchère permanente des effets qui sollicite la réaction pulsionnelle immédiate, il devient de plus en plus difficile de « faire l’école ». Beaucoup de collègues buttent au quotidien sur l’impossibilité de procéder à ce que Gabriel Madinier définissait comme l’expression même de l’intelligence, « l’inversion de la dispersion ».
Dès lors que certains parents n’élèvent plus leurs enfants dans le souci du collectif, mais en vue de leur épanouissement personnel, faut-il déplorer que la culture ne soit plus une valeur partagée.

Marcel Gauchet : L’école est prise dans ce grand mouvement de déculturation et de désintellectualisation de nos sociétés qui ne lui rend pas la tâche facile. Les élèves ne font que le répercuter avec leur objection lancinante : à quoi ça sert ? Car c’est le grand paradoxe de nos sociétés qui se veulent des « sociétés de la connaissance » : elles ont perdu de vue la fonction véritable de la connaissance.

C’est pourquoi nous avons l’impression d’une société sans pilote. Il n’y a plus de tête pour essayer de comprendre ce qui se passe : on réagit, on gère, on s’adapte. Ce dont nous avons besoin, c’est de retrouver le sens des savoirs et de la culture.

Pour retrouver l’intégralité de l’entretien, c’est par ici.

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HOMMAGE AU CH’TI

Vous l’avez sûrement visionnée. Elle fait le tour du net ces jours-ci. La vidéo de Norman sur les chtis remet pas mal d’idées reçues en place, notamment à propos de la population des Hauts de France. Un petit cours de « parler chti » pour terminer. Mais pas grand chose finalement sur ce dialecte, langue d’oïl tout ce qu’il y avait de plus officielle,  parlée autrefois depuis le nord de Senlis jusqu’à Mouscron, et de Berck sur Mer à Charleroi… Petit hommage au chti, une langue en voie de disparition ?

LA VIDEO

Si vous l’avez ratée, la voici :

Norman Thavaud, originaire d’Arras dans les Hauts de France, sait de quoi il parle, et aborde avec humour les clichés répandus à propos des « gens du Nord ». Une manne inépuisable pour les artistes ? La chanson d’Enrico Macias vous revient en mémoire. Le film de Danny Boon, Bienvenue chez les Chtis, et dernièrement Dunkerque, de Nolan, qui présente un épisode sombre de notre histoire locale. Attention, Dunkerque est déjà hors du territoire chti… Nous sommes en Flandre. Aujourd’hui comme autrefois. Alors, qu’est-ce vraiment que cette langue devenue patois ?

LANGUE, DIALECTE, PATOIS

Le chti est au Moyen Age une langue. Ou plutôt une des langues d’oïl parlées au nord de la GauleDante (1265-1321), dans son  De vulgari eloquentia, écrit vers 1305, distingue au Moyen Age 4 grands groupes linguistiques, déterminés selon la façon de dire « oui » : « jo » pour les langues germaniques, « oïl » pour les langues du nord de la Gaule (du latin hoc ille, « celui ci »), « oc » (du latin hoc, « ceci », et sic, « ainsi ») pour les langues parlées au sud et « si » pour les langues parlées en Italie.

Au Moyen Age donc, les populations de la moitié nord parlent la langue de leurs provinces respectives :

  • au centre (Île-de-France et à proximité) : le français
  • à l’est : le bourguignon-morvandiau, le champenois, le lorrain ;
  • au nord : le picard et le wallon ;
  • au nord-ouest : le normand ;
  • à l’ouest : le gallo ;
  • au sud-est : le franc-comtois ;
  • au sud-ouest : le poitevin-saintongeais ;
  • au sud : le berrichon.

Les langues d’oïl selon Marie-Rose Simoni-Aurembou (2003).

 

Le chti est donc une survivance du picard parlé au Moyen Age. Picard, langue d’oïl qui a donné naissance à des textes majeurs de la littérature médiévale : Renart le novel (1289), du lillois Jacquemars Giélée, constitue une des « branches » du Roman de Renart. Arras devient capitale européenne de la littérature avec Jean Bodel, auteur de fabliaux. C’est d’ailleurs grâce à lui que le terme picard « fabliau » a supplanté le terme français « fableau » pour désigner ce genre comique si populaire….  Arras doit son renom aussi à Adam de la Halle, dit « le Bochu » (le Bossu) qui jette les bases de notre théâtre national avec Le Jeu de la feuillée et Le Jeu de Robin et Marion. Valenciennes partage la renommée de la capitale de l’Artois grâce aux œuvres de son chroniqueur Jean Froissart. C’est par lui que devient célèbre le sacrifice des Bourgeois de Calais…

Avec la Renaissance, François Ier et le fameux Édit de Villers Cotterêts (1535), le français devient la langue officielle de tout le royaume, et c’est à cette époque qu’apparaissent les mots « dialecte » et « patois » pour désigner les langues d’oïl… Dialecte : variété linguistique propre à un groupe d’utilisateurs déterminés. Patois : langue minoritaire. Le terme est  souvent dépréciatif, voire péjoratif. Pourtant, avec le temps,  les linguistes se sont attachés à redorer le blason des patois. Pour preuve :  l’évolution des définitions du mot « patois » au fil des éditions du  Dictionnaire de l’Académie Française :

  • 4e édition : Langage rustique, grossier, comme est celui d’un paysan, ou du bas peuple.
  • 8e édition : Variété d’un dialecte, idiome propre à une localité rurale ou à un groupe de localités rurales.
  • 9e édition : Variété d’un dialecte qui n’est parlée que dans une contrée de faible étendue, le plus souvent rurale.

Le mot même, « patois », viendrait de l’ancien français patoier/ patoyer signifiant agiter les mains, gesticuler ; il dériverait du nom patte auquel on ajoute le  suffixe -oyer. On comprend ainsi la connotation péjorative que comporte ce terme : on patoise quand on n’arrive plus à s’exprimer que par gestes… Selon une autre hypothèse, plus noble,  il pourrait dériver du latin patria (patrie), faisant ainsi référence à la dispersion locale d’un dialecte.

La linguiste Henriette Walter, dans son ouvrage Le Français dans tous les sens (2014), élimine les clichés et rétablit non seulement le sens des mots mais aussi la dignité des patois :

Le terme de « patois » en est arrivé progressivement à évoquer dans l’esprit des gens l’idée trop souvent répétée d’un langage rudimentaire (…). Nous voilà loin de la définition des linguistes, pour qui un patois (roman) est au départ l’une des formes prises par le latin parlé dans une région donnée, sans y attacher le moindre jugement de valeur : un patois, c’est une langue. (…) Le latin parlé en Gaule (…) s’est diversifié au cours des siècles en parlers différents. (…) Lorsque cette diversification a été telle que le parler d’un village ne s’est plus confondu avec celui du village voisin, les linguistes parlent plus précisément de patois. Mais, à leurs yeux, il n’y a aucune hiérarchie de valeur à établir entre langue, dialecte et patois. (…) Il faut donc bien comprendre que non seulement les patois ne sont pas du français déformé, mais que le français n’est qu’un patois qui a réussi. 

L’ÂGE D’OR DU CHTI

Nous n’avons donc pas à rougir de notre patois picard. Pas la peine de déboulonner les statues des auteurs qui ont forgé la  renommée de notre région et de sa langue : François Decottigniy, dit « Brûle Maison » à Lille, L’Abbé Delmotte à Mons, Henri Carion ou Charles Lamy à Cambrai, Alexandre Desrousseaux et son Petit Quinquin de L’Canchon Dormoire, Louis Dechristé et ses Souv’nirs d’un homme d’Douai, Marceline Desbordes-Valmore, douaisienne elle aussi, Benjamin Desailly, Jules Mousseron, Auguste Labbe et sa déchirante Carrette à quiens, Jules Watteeuw dit le Broutteux à TourcoingPoèmes, saynettes, textes écrits par des saqueux d’fichelles (montreurs de marionnettes), journaux, chansons… La langue populaire emprunte des formes populaires pour continuer à exister. Elle n’en reste pas moins digne d’intérêts esthétique autant qu’historique ou sociologique.

En guise de conclusion, ce poème de Jules Mousseron (1868-1943), hommage au patois du Nord…

J’ai fort quier el français, ch’est l’pu joli langache
Comm’ j’aime el biau vêt’mint qué j’mets dins les honneurs.
Mais j’préfèr’ min patois, musiqu’dé m’premier âche
Qui chaq’jour, fait canter chu qu’a busié min coeur.

Dins l’peine un mot patois nous consol’ davantache

Dins l’joie, à l’bonne franquette, I corse el’bonne humeur
Il est l’pus bell’rincontre au cours d’un long voïache
L’pus douch’ plaint’ du soldat au mitan des horreurs.

L’patois s’apprind tout seul, et l’français à l’école.
L’in vient in liberté, l’autr’ s’intass’ comme un rôle.
Les deux sont bons, bin sûr, mais not’patois pourtant,
Rappell’ mieux les souvenirs d’eun’jeunesse effacée.

L’patois, ch’est l’fleur sauvach’ pus qu’eune autr’parfeumée …
Ch’est l’douche appel du soir d’eun’ mère à ses infants.

Pour terminer sur une note d’humour, et entendre cette savoureuse langue, cette saynette écrite et interprétée par Léopold Simons et Line Dariel … :

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CORRECTION ET PERLES BREVETEES

3 juillet 2017. La grand messe des profs de français. Comme chaque année dans ces parages brumeux de l’année scolaire finissante. Cette fois, dans le quart d’heure d’attente que s’accordent les profs soucieux d’être à l’heure au rendez-vous des copies, des grilles alambiquées de report des notes et des perles en rivières, ça discute réforme de Najat, compétences et fin d’année en queue de poisson.

Ou en eau de boudin. D’abord à cause de l’organisation des épreuves, chamboulée elle aussi dans le tumulte de la réforme. Les chef(fe)s de centre n’ont eu qu’une matinée expresse pour corriger quelques copies tests et se mettre d’accord sur les tolérances accordées. Certains n’ont même pas reçu de convocation officielle… Ensuite parce qu’on se retrouve, quand même, encore, avec chacun(e) un paquet prodigieux de copies à corriger alors que la moitié des collègues ne sont pas convoqués… Ça serait tellement mieux si on était plus nombreux. Partage du travail, ça s’appelle.  Ça signifierait aussi moins de stress, moins de fatigue, et plus d’équité dans l’évaluation du travail des candidats. Pas sûr que celui-ci ou celle-là, avec son visage grognon déjà, soit enclin(e) à noter avec bienveillance sa 45ème copie au bout de sa looongue journée et de son looourd paquet… Enfin, parce qu’on découvre qu’il n’y a pas de grille de notation proposée pour le sujet de rédaction… On a connu ça il y a 20 ans. On lutte contre ça depuis 20 ans : ne surtout pas noter en fonction de son humeur, du ressenti, de la graphie ou du temps qu’il fait… C’est l’inégalité des chances assurée. Depuis 20 ans, on s’escrime à hiérarchiser les critères requis et les compétences qu’on veut évaluer, et on harmonise les points attribués selon ces compétences en regard des attentes du sujet. Et là : rien ! Pas sûr que celui-ci ou celle-là, avec son visage grognon déjà, ne soit enclin(e) à noter  la 45ème rédaction de son paquet avec la bienveillance attendue…

Il n’empêche qu’on écoute quand même religieusement les recommandations de notre cheffe de centre. Qu’on attend avec une impatience non dissimulée (ben on perd encore 1/4 d’heure…) les photocopies du sujet qui ne sont pas prêtes. Et qu’on se rue vers la salle où nous attendent, sagement alignées, les fameuses enveloppes de papier kraft marron contenant les  fameuses copies à tout petits carreaux pas espacés du tout. Les presbytes n’ont qu’à bien se tenir et ne pas oublier leurs lunettes.  On fait la queue. Au moins, en période de soldes, dans les magasins, on multiplie les ouvertures de caisses. Ben là, non. Une pauvre dame se coltine tous les numéros, à 4 chiffres, des jurys pour retrouver la sacro sainte enveloppe qui vous est destinée. Ne poussez pas : il y en aura pour tout le monde, hihi !

Et c’est parti… Malheur à celui ou à celle à qui il manque une copie… Malheur à celui ou à celle qui note au quart de point près… Malheur à celui ou à celle qui se retrouve dans la salle de correction d’un ronchon…

Et puis, pardon pour les « malgré eux », ces candidats qui sortent leur style du dimanche pour épater le correcteur. Ils sont une source de bien être soudain, de sourire, voire de fou rire qui vient détendre l’atmosphère de ces salles où d’anciens potaches sont devenus profs parce qu’ils n’ont pas su devenir des Zola ou des Giono. Allez, partageons ces perles qui illuminent un peu ces fins d’années scolaires embrumées :

Expliquez le sens de « entassement » dans le texte. Texte de Giono, Les vraies Richesses, 1936, où l’auteur décrit son malaise chaque fois qu’il doit affronter la foule sur les trottoirs de la capitale. Une candidate écrit : « Il y a entassement de la foule. Les gens sont collés-serrés. » Ses parents étaient peut-être  fans de Philippe Lavil et de Jocelyne Béroard ?

Et puis au palmarès des mauvaises manies orthographiques, la confusion « sa » et « ça » tient la première place, détrônant les « bizart » et « bizzard », comme si ce qui est « bizarre » se couvrait d’une nuée glacée, blizzard blizzard…

Viennent les morceaux d’écriture denses, et souvent absolument pas ponctués, où le candidat s’évertue à vous prouver que la ville, c’est mieux que la campagne : « En ville les routes sont super propres tandis qu’en campagne il y a de la boue tout partout avec les tracteurs. » C’est frais, hein ?!

Et puis le philosophe qui s’interroge, comme Giono du reste, sur les vraies richesses : « Les vraies richesses auxquelles pense l’auteur, c’est beaucoup de monde paye, et ceux qui ne payent pas n’ont rien. » À méditer…

Et puis, il y a ceux qui ne maîtrisent absolument pas la conjugaison du passé simple mais tiennent absolument à l’utiliser. Conjugaison incertaine mâtinée d’un vocabulaire recherché :

« Tout à coup, il fut l’heure où les magasins s’ouvrèrent et une énorme foule apparut en un éclair. Ce fut un moment terrible pour nous car une terrible panique se mit à nous posséder. Nous fûmes embarqués dans la foule. Les gens chahutaient, nous bousculaient, nous piétinaient, hurlaient comme des sauvages. On aurait pu croire à une tragédie. Mais mon cousin nous disa qu’à partir d’aujourd’hui ce fut les soldes. (…) C’est décevant comme les gens peuvent être d’un instant à l’autre différents, changer de comportement et devenir des malades mental, alors qu’habituellement les gens sont calmes et respectueux. »

Et enfin, il y ceux qui ne maîtrisent pas l’utilisation des pronoms relatifs, mais qui tiennent absolument à les utiliser… :

« Il y a quelques mois, je suis allé dans une ville dont j’ignorais comment c’était. (…) Aussi pendant ce séjour, il y avait un petit parc d’attractions dont je n’avais jamais été. »

Dont… act !

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L’ECOLE EN BATTERIE…

Dernier paquet de copies. Derniers bulletins. Derniers conseil de classe. Derniers cours. Il fait chaud. Tout le monde est plus détendu, plus souriant. Malgré la fatigue. Certains ont déjà déserté les classes. On se retrouve en petits comités. On révise pour le Brevet des collèges. Les emplois des temps. L’accord du participe passé. Dictées. Réécriture. On traque les figures de style et les procédés littéraires dans les textes pour se faire la main. « On comprend mieux Madame, comme ça, quand on n’est pas nombreux et que vous êtes tout près de nous ». Ben oui, c’est mieux. Pourquoi le Ministère s’acharne-t-il à remplir les salles de classes comme on remplit les box des élevages en batterie ? 25 en REP +. 30 à 35 dans les établissements sans problèmes… Démocratisation  ou industrialisation ? A 15, c’est vrai que c’est mieux…

Surtout quand les gamins en face n’ont jamais entendu un subjonctif présent à la maison. « Il faut que je fais mon ménage et que je finis ma vaisselle ». Ouille ! Surtout quand les gamins en face découvrent que « ent » c’est le pluriel pour les verbes et pas pour les noms… A 15, c’est mieux. Mais le Ministère veut faire des économies. On remplit, on remplit. Et tant pis s’il y a du déchet. De la perte. De temps, d’énergie, d’espoir. Et tant pis s’il y a encore des milliers de gamins qui sortent du système scolaire en n’ayant rien compris à rien. En étant formés à rien. En n’ayant aucun diplôme, aucune perspective d’avenir. Économie. Le Maître mot.  Chiffre. Cases. Tableaux. Taux de réussite. Taux de pression. Économie. 1 prof pour 15 élèves ? Mais vous n’y pensez pas ! C’est du gaspillage de moyens ! Nous sommes des moyens. Des numéros. Qu’on place sans trop réfléchir devant un groupe classe. Et surtout, que ça ne dépasse pas! Vous voulez faire de la préparation au CFG avec les élèves en grande difficulté ? Dans un rapport de 1 adulte pour 2 ou 3 élèves ? Mais vous n’y pensez pas ! C’est du gaspillage de moyens ! Et en plus vous voudriez que ce soit dans votre service ? Impossible : nous avons des enveloppes d’heures sup pour payer ça ! Vous ferez ça en plus de votre service ! Entre 13h et 14h, ou de 5 à 6…

Moi, j’en veux pas des heures sup ; c’est pas de l’argent que je veux gagner, c’est du temps. De la santé. De l’énergie. J’ai plus 20 ans faut dire… C’est pas de l’argent en plus que je veux gagner. C’est la confiance de ces élèves à la dérive, perdus dans un groupe à 25, qui, au mieux, dorment sur leur sac, au pire vous retournent le cours dès qu’ils en ont l’occasion. C’est leur confiance, leur intérêt, leur motivation que je veux gagner, regagner…

C’est mieux, Madame, quand on n’est pas nombreux et que vous êtes tout près de nous…

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ET SI C’ ETAIT VOUS…?

C’est l’histoire d’une famille déchirée entre la France et l’Afghanistan. C’est l’histoire de Caroline, professeure d’anglais dans un collège du dunkerquois, qui se démène depuis plus de 6 mois, pour rassembler cette famille.  De courriers sans réponse en coups de fil vains, de paperasseries kafkaïennes en dossiers ubuesques, de l’espoir au désarroi, par lassitude, elle a envoyé la lettre qui suit au Président de la République, à l’OFPRA, aux tribunaux de Nantes et de Paris et à l’ambassade de France à Kaboul :

Mesdames, Messieurs

En 2010, monsieur x est parti, à contre cœur d’Afghanistan, de sa région du Nangarhar, près de Jalalabad, pour trouver refuge en France. Le voyage étant dangereux et ne sachant pas dans quelles conditions il allait vivre, sa femme et ses enfants sont restés sur place.

Après de longues démarches administratives, il a obtenu refuge en France et a décidé, malgré la barrière de la langue, de monter des dossiers de réunification familiale (une procédure normale puisque toute personne qui obtient l’asile en France y a droit).

Du fait de la barrière de la langue (Monsieur parle pachtoune. Non, pas le pakistanais comme l’a dit la « dame qui ne finit pas ses phrases et parle vite » de l’OFPRA.), Monsieur X a demandé de l’aide à des tiers plus ou moins bienveillants qui lui ont conseillé de faire des dossiers séparés pour ses filles et ses garçons et ont fait des erreurs d’orthographe sur les prénoms.

En septembre 2015, les deux fils et leur maman Y sont arrivés en France …  sans les petites qui sont restées chez une voisine.

Pendant un an, la pauvre Y pleurait de ne pas avoir pu emmener ses filles, et malgré tout l’amour qu’elle porte à ses fils, elle  a préféré rejoindre ses 4 jeunes filles en septembre 2016, pensant qu’au moins ses fils étaient en sécurité avec leur père en France. Elle a donné naissance à BB le 16 décembre 2016.

Depuis 7 ans, un père n’a pas revu ses filles.
Depuis un an et demi, deux frères n’ont pas revu leurs sœurs.
Depuis 6 mois, deux fils pleurent de savoir leur mère à 7000 km de chez eux.
BB a 3 mois et fait ses premiers sourires loin de son papa et de ses frères.
Depuis un an et demi, des enfants sont inscrites à l’école républicaine mais sont coincées dans une région que l’armée afghane ne maîtrise pas, sur laquelle les talibans et Daesh règnent…

Présence des Talibans en Afghanistan.

Daesh est présent en Afghanistan, se « disputant » régions et population avec les Talibans…

Depuis octobre 2016, moi, simple professeure d’anglais dans le collège où sont scolarisés les garçons, je les aide dans les démarches, et malgré mon attachement à mon pays, j’ai honte…

Honte de voir que les frontières sont en fait des procédures administratives compliquées, malveillantes et ubuesques.

Honte de constater que deux adolescents qui ont appris le français en moins d’un an, qui sont consciencieux et aiment la France, ne dorment plus, se cachent pour pleurer car ils ont peur pour leur famille, peur de ne plus revoir ni leurs sœurs ni leur maman.

Peut-on en vouloir à cette maman d’être repartie car elle était morte d’inquiétude pour ses enfants ? Non, clairement non. Liberté, Egalité, Fraternité…ce mot n’a donc aucune valeur chez nous?

Il a fallu attendre notre déplacement à l’OFPRA le 22 décembre 2016 pour apprendre que le premier dossier avait été rejeté car mal monté…Depuis 2 mois que je téléphonais, on nous répondait (quand quelqu’un daignait décrocher) que le dossier était en cours d’instruction, ou qu’il avait été transféré au tribunal, ou qu’il allait l’être.
La personne qui nous a reçus nous a conseillé de refaire un dossier suite à la naissance de la petite BB et de déposer un recours auprès du tribunal de Nantes.

Or, suite à un entretien avec un avocat, il apparaît que le tribunal de Nantes ne peut être sollicité qu’après un refus notifié de l’OFPRA. Pourtant, il a fallu que nous appelions 10 fois en 15 jours pour enfin obtenir une information sur le dossier, juste pour nous dire qu’après l’envoi de dossier du 23 décembre, il a été porté à l’étude le 11 janvier.
Il a fallu la gentillesse de monsieur Caremelle pour apprendre par un simple mail de monsieur Brice qu’il nous fallait déposer un recours auprès du tribunal de Nantes…

Bref, aucune information n’est cohérente…

Il est écrit dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant que tout enfant a droit à la sécurité, à l’instruction et à sa famille.

Il est écrit dans la loi française que toute personne réfugiée en France a droit de faire venir sa famille en entier.

Alors certes, Monsieur X a fait une erreur et a déposé deux dossiers différents suite à de mauvais conseils. Mais vous, derrière vos écrans, imaginez que vous arriviez seul dans un pays dont vous ne connaissez pas la langue, ni la culture, auriez-vous fait mieux ?

Engager un avocat coûte cher. L’aide juridique ne s’applique pas pour ce genre d’affaire.

Pendant ce temps là, les filles sont en danger dans une zone officiellement en guerre.

Alors donc, j’en appelle à vous tous qui ne nous répondez pas de façon cohérente…ON FAIT QUOI ? On attend ? Et si le chemin des bombes qui tombent sur Jalalabad en ce moment croisent le chemin des filles, on fait quoi ? On se dira qu’on n’y peut rien ?

C’est quoi ces méthodes ubuesques ? C’est quoi cette gestion de l’humain ? C’est quoi cet outrage aux droits de 4 petites filles Afghanes? Attendons-nous que la fille aînée se fasse kidnapper et soit mariée de force sans que son père ne puisse réagir ?

Voilà…moi je ne sais plus, mais j’ai honte pour vous qui êtes si sûrs de bien faire parce que vous êtes coincés dans vos procédures.

Pour relire la lettre écrite par M…, fils aîné, et l’article que nous lui avions consacré en décembre dernier, c’est ici.

Les jeunes enfants afghans n’ont jamais connu la paix…

Un réfugié – au sens de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés – est une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle et qui craint avec raison d’être persécutée du fait de son appartenance communautaire, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de la dite crainte.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR ou HCR dans l’espace francophone) a pour but de défendre les droits et la sécurité des réfugiés et des demandeurs d’asile. Cette organisation onusienne estime que, en 2015, il y avait 16,1 millions réfugiés dans le monde. L’UNHCR estime que, en 2016, 60 millions de personnes dans le monde ont été forcées de quitté leurs maisons, 60% de plus que la décennie présente.

Selon l’UNICEF, environ 31 millions d’enfants étaient réfugiés fin 2015, et 17 millions étaient déplacés à l’intérieur de leur pays…

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GRANDE SYNTHE – KABOUL

Il s’appelle M…z. Il a 15 ans. Un visage d’ange. Une voix d’ange. Doux comme un agneau. Qu’on mène au sacrifice, pour l’heure… Son histoire ? Elle ressemble à toutes celles, bien tristes, de réfugiés dans l’attente. L’attente. D’un regroupement familial. D’un miracle de l’administration française pour qu’elle accélère le traitement d’un dossier, le sien, parmi des centaines d’autres. L’attente d’un  rêve : celui de pouvoir serrer enfin dans ses bras une maman qu’il n’a pas vue depuis des mois. Et  4 petites sœurs qu’il n’a pas vues grandir… Il attend ce miracle qui ferait que l’administration française à travers les papiers, tampons, et autres courriers et récépissés, voie enfin les visages de réfugiés en souffrance, la détresse d’une famille écartelée…

Son français est de moins en moins hésitant. Il en a faits, des progrès, depuis un peu plus d’un an qu’il est scolarisé au collège Jules Verne de Grande Synthe. Il a des ami(e)s. Il aime l’école. Il travaille beaucoup. Il veut réussir. Son grand projet ? Intégrer un jour Sciences Po. Il est bien intégré en somme. Et il est soutenu. Par ses camarades. Et par ses professeurs. Notamment par Caroline Riedi, professeure d’anglais, qui a pris à bras le corps la détresse qui gagne Momtaz depuis quelques semaines. Qui s’est alarmée de la tristesse qui grandit chez cet adolescent originaire de la province de Nangarhar en Afghanistan. De Bessoud plus exactement. Petite ville jamais vraiment tranquille, comme le reste du pays du reste.

Fermier de Bessoud, petite ville dont est originaire Momtaz.
Fermier de Bessoud, petite ville dont est originaire Momtaz.

Pays pris en étau entre les combattants de Daesh d’un côté, qui veulent étendre leur État Islamique jusque dans les zones les plus reculées ; et les Talibans, qui n’ont jamais vraiment renoncé à leur emprise depuis l’intervention d’une coalition internationale en 2001.  Pays qui n’a jamais vraiment connu la paix depuis son invasion par l’URSS en 1979, tiraillé aujourd’hui entre ces extrémismes de tous bords, al Qaïda s’invitant dans la ronde des combats et des attentats toujours plus meurtriers… Attaque suicide contre un consulat allemand, le 11 novembre. Explosion meurtrière dans la base militaire de Bagram, le 12 novembre. Explosion dans une mosquée chiite de Kaboul, le 21 novembre. Les Nations unies décrivent une situation « alarmante » en Afghanistan. Le pays enregistre, au 30 novembre 2016, un nouveau record de plus d’un demi-million de civils déplacés depuis le début de l’année, fuyant la violence et les combats. Plus du double comparé à 2014.

L'Afghanistan est en proie à des luttes sanglantes.
L’Afghanistan est en proie à des luttes sanglantes.

Et c’est dans cette poudrière que vivent les 4 petites sœurs de M…z. Et c’est vers cette terre ensanglantée par la terreur que la maman de M…z a décidé de retourner, il y a peu, pour tenter de récupérer ces 4 filles…

Alors M…z a écrit. Aux différents services de l’administration française. Au Ministère de l’Intérieur, à la Direction de l’Immigration, à la Sous-Direction des Visas, Bureau Familles. À l’Office Français des Réfugiés et Apatrides. À l’Ambassade de France à Kaboul. Il frappe à toutes les portes de cette forteresse kafkaïenne, pour y raconter son histoire :

Bonjour Madame, Monsieur

Nous sommes arrivés en France le 19 septembre 2015 avec mon frère I…H et ma mère F…A A…B par regroupement familial. Mon père est arrivé en France 2010. Mes sœurs sont en Afghanistan parce qu’elles ne sont pas déclarées réfugiées. Mon père qui ne connaissait pas le fonctionnement de l’administration française, a eu peur de demander le regroupement familial en même temps pour tous ses enfants, car il avait peur que tous ses enfants soient refusés parce que nous sommes 6. Il pensait qu’avoir 4 filles et 2 garçons était mal vu en France.  Il pensait même que ma mère, mon frère et moi ne viendrions jamais parce qu’il ne comprend pas. La culture Afghane et la culture Française sont différentes. Ma mère est repartie en Afghanistan pour rester avec mes sœurs, car si un enfant est éloigné de ses parents, il est en danger, menacé directement par Daech.  Ma mère me manque , mon frère I…H est triste , il pleure tous les soir. Nous aimerions retrouver notre mère et nos sœurs.  Mes professeurs disent que je travaille très bien,  je trouve que je comprends le mieux en mieux, mais les problèmes de papiers et ma tristesse m’empêchent de travailler comme je le voudrais. J’aimerais tellement que mes sœurs et ma mère nous rejoignent.

Dans l’espoir d’une réponse favorable de votre part, je vous prie l’agréer, Madame, Monsieur l’expression de mes salutations distinguées.

La lettre de Momtaz...
La lettre de Momtaz…

La Lettre de Momtaz...
La Lettre de Momtaz…

M…z n’a pas de jolis souvenirs d’enfance. Il ne lui reste de l’Afghanistan que des images de guerre. Quand on lui demande ce qu’il souhaiterait pour l’année nouvelle qui s’approche, pour lui et pour le monde, il ne montre aucune hésitation : que sa mère et ses sœurs reviennent, et tout de suite ! Et que le monde vive en paix.

 

 

J’ai vu trop de guerres. On ne peut progresser que dans la paix…

Si vous voulez aider M…z, pour que le dossier de regroupement familial soit traité au plus vite, suivez ce lien : ici.

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images 3 et 4 : photographies de la lettre originale écrite par M…z confiées par Caroline Riedi. Qu’elle en soit remerciée…