Montaigne est né un 28 février, et c’est un 1er mars, de l’année 1580, qu’il publie ses Essais. L’occasion de revisiter l’œuvre majeure de cet auteur et homme d’action qui a marqué la Renaissance. Indépendant, engagé, l’un des illustres magistrats de Bordeaux formule des préceptes étrangement modernes. Au point que se les répéter régulièrement nous permettrait de traverser le siècle, le nôtre, sans trop d’encombres et d’économiser des dépenses de coach ou de psy… Parce que Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition… A découvrir ou redécouvrir ici…

DE LA MORT ET DE LA LIBERTÉ
Montaigne s’inspire du précepte de Cicéron : « Philosopher c’est apprendre à mourir. » Et la mort, il l’a vue de près, et plus d’une fois dans sa vie : la mort de La Boétie, son meilleur ami, écrivain et humaniste comme lui, mort à 33 ans… Vous vous souvenez : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. ». La mort de son père, qu’il vénérait. La mort de 5 de ses 6 enfants (une fille seulement, Léonor, survécut !). La mort qu’il frôle lui-même lors d’un accident de cheval survenu autour de la trentaine. La mort qui le brûle à petit feu, sous la forme de calculs rénaux douloureux à partir de 50 ans… Survivre à l’amour et à la perte. Comment ? En s’oubliant soi-même. En se détachant de l’ego. Et de tout ce qui « englue » le moi. En se libérant. Stefan Zweig, (1881-1942), écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien, lecteur de Montaigne, paraphrase et résume huit « commandements » qui permettent à l’homme de garder son humanité et de gagner sa liberté : être libre de la vanité et de l’orgueil ; être libre de la croyance et de la superstition ; être libre des convictions et des partis ; être libre des habitudes ; être libre des ambitions et de toute forme d’avidité ; être libre de la famille et des amitiés ; être libre du fanatisme ; être libre devant le destin ; être libre devant la mort…donc… Montaigne avait inscrit ces formules sur une des poutres de sa « librairie ». Nous pourrions les faire figurer nous aussi… sur le frigo par exemple… :
« Seule certitude : rien n’est certain. Et rien n’est plus misérable ni orgueilleux que l’homme. » Pline l’Ancien (écrivain et naturaliste romain du Ier siècle)
« Quel homme peut-il avoir de lui-même grande estime, quand le premier incident venu le réduit à néant ? » Euripide (dramaturge du Vème siècle avant JC)

DE L’ÉDUCATION COMME MANUEL DE SURVIE
Montaigne souligne l’importance d’«être né» comme on disait à son époque. C’est à dire d’avoir une éducation. Par les parents bien sûr, qui sont les premiers vecteurs. Mais aussi par la connaissance des Anciens. Seule ce bagage peut apporter un esprit critique. Vous vous rappelez cet idéal humaniste de la Renaissance : une tête bien faite plutôt que bien pleine… Montaigne appréciait les philosophes qui proposaient une morale pragmatique : comment faire face à la mort d’un ami ? Comment s’armer de courage ? Comment se tirer de situations épineuses ? Il se tourne donc volontiers vers les philosophies antiques pour trouver des réponses. Les 3 plus importantes.
Le stoïcisme, école philosophique de la Grèce antique, fondée par Zénon en 301 av. J.-C. Cicéron, Sénèque, Épictète, Marc Aurèle le diffuseront. Cette philosophie exhorte à la pratique d’exercices de méditation conduisant à vivre en accord avec la nature et la raison, pour atteindre la sagesse et le bonheur envisagés comme ataraxie. Ataraxie, comprenez = absence de troubles, quiétude intérieure, absence de passions qui prend la forme d’une absence de souffrance. Ataraxie, plus de passion… peinard !
L’épicurisme, école philosophique fondée à Athènes par Épicure en 306 av. J.-C., axée sur la recherche d’un bonheur et d’une sagesse dont le but est la tranquillité de l’âme. Le but de l’épicurisme est d’arriver à un état de bonheur constant, une sérénité de l’esprit, tout en bannissant toute forme de plaisir non utile. Pour éviter la souffrance, il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires. Le dernier smartphone procure-t-il un plaisir naturel et nécessaire ? L’épicurisme ne prône donc nullement la recherche effrénée du plaisir, comme beaucoup le pensent à tort…
Le scepticisme, doctrine fondée par Pyrrhon, selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer une vérité avec certitude. Il ne s’agit pas de rejeter la recherche, mais au contraire de ne jamais l’interrompre en prétendant être parvenu à une vérité absolue. Son principal objectif n’est pas de nous faire éviter l’erreur, mais de nous faire parvenir à la quiétude, loin des conflits de dogmes et de la douleur que l’on peut ressentir lorsqu’on découvre de l’incohérence dans ses certitudes. Comme disait Jean Gabin (qu’était philosophe finalement : je sais que je ne sais rien !).
Je vous propose donc d’ajouter cette maxime du stoïcien Epictète sur votre réfrigérateur :
« Ne cherche pas à ce que les événements soient comme tu veux, mais veuille que les événements soient comme ils sont et tu seras dans la sérénité ».

DE L’HUMILITÉ
Enfin, dernier conseils pratiques de survie dans un monde féroce prodigués par ce génial Montaigne : ne philosopher que par accident, c’est à dire au hasard des rencontres, de façon naturelle…Réfléchir à tout et ne rien regretter. Vivre avec tempérance. On dirait aujourd’hui avec modération et modestie :
« il n’est rien si beau et légitime, que de faire bien l’homme et dûment. Ni science si ardue que de bien savoir vivre cette vie. Et de nos maladies la plus sauvage, c’est mépriser notre être. »
Se ménager des moments de retrait, de solitude, de réflexion, pour ensuite affronter le monde avec plus d’énergie. Et donc savoir être convivial. Savoir vivre avec les autres. S’arracher au sommeil de l’habitude. Halte à la routine !
Et puis surtout : laisser la vie répondre d’elle-même.
« La vie doit être elle-même à soi sa visée, son dessein (= son objectif). »
[…] Un indice : ici. […]
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[…] C’est Montaigne ! Pour en savoir plus ou revisiter cet auteur aux écrits pleins de sagesse, c’est par : là. […]
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