Mon Maître d’école. Film documentaire sorti le 13 janvier 2016. La dernière année d’enseignement de Jean Michel Burel, instituteur (ou prof d’école ?) à Saint Just et Vacquières, département du Gard, arrondissement d’Alès. Un petit bijou d’humanité. On est loin de la réforme explosive de Najat Vallaud Belkacem. Et de l’usine à gaz jargonnante que devient progressivement l’Éducation Nationale. Notre coup de cœur de ce début d’année.
1h20 de plaisir. Plaisir de voir des enfants de CE2, CM1 et CM2 apprendre. Les divisions. Les châteaux de la Loire. Les os du corps humain. Le Dormeur du Val de Rimbaud. Les champignons, les bons et les vénéneux. La Première Guerre mondiale et son Armistice. Les enfants vont d’ailleurs à la Commémoration du 11 Novembre, car M.Burel est aussi le maire du bourg d’à peine 300 habitants où il enseigne depuis 40 années…
40 années dans la même classe. Il a connu la génération des parents de ses élèves. Et c’est une de ses anciennes élèves, Emilie Thérond, qui lui rend hommage dans ce film qu’elle a réalisé. Il n’y est jamais question de notes ou de compétences du socle commun. Mais d’encouragements. Les enfants (et non les « élèves ») apprécient qu’on les encourage. Tout en étant lucide et exigeant sur les objectifs à atteindre. Il n’y est jamais question de « pédagogie » ou de « didactique ». M.Burel enseigne avec beaucoup de bon sens, de bienveillance et d’humanité. Le civisme, et la laïcité, et le « vivre ensemble », et la tolérance, on ne les enseigne pas : on les pratique, au gré des conflits qui perlent parfois dans la classe. On les règle par la discussion. On trouve toujours une solution pour rompre le cercle vicieux de la violence.

Les cours d’Éducation physique et sportive ? De longues promenades dans la campagne ; les enfants jouent, sautent, traversent des rivières et grimpent aux arbres. Personne ne se blesse jamais car le maître veille. On grandit en tombant. La vraie école, c’est l’école de la vie. On y apprend par la même occasion la course du soleil, les points cardinaux, la boussole et la mousse sur les arbres…
Le texte libre. Qui permet à chacun d’écrire. Son quotidien. Ce qu’il a sur le cœur. De la poésie. Ou pas. Ses origines. Ses blessures. Ses tristesses et ses joies. La dictée de mots que l’on fait sous l’auvent, derrière l’école, parce qu’il commence à faire vraiment chaud dans la classe. La boîte à questions. Parce que pour un enfant, rien n’est évident. Et il n’est jamais de questions idiotes. Le ménage qu’on fait après la classe avec l’instituteur. Et le voyage à Paris ! Pour s’émerveiller du haut de la Tour Eiffel, dans le métro station Voltaire ou sur les bancs du Sénat sur le fauteuil de Victor Hugo !
Jean Michel Burel incarne un savoir faire, ou savoir être d’une autre époque. Il se souvient de son arrivée au village 40 ans plus tôt. Il se souvient que les gens du village considéraient l’instituteur comme un «monsieur». Il sortait galvanisé de l’École Normale où on formait encore les « hussards noirs » de la République. Où l’unique ambition des instituteurs était de « semer la culture ». On se croirait presque chez Pagnol. Sauf qu’on est bien au XXIème siècle, et que c’est encore possible, d’enseigner avec bon sens et humanité…
La leçon de ce film ? On ne transmet bien que ce qu’on aime avec passion. Enseigner, c’est peut-être tout simplement apprendre aux enfants à devenir des hommes et des femmes responsables, autonomes et épanouis….On est vraiment loin de l’usine à gaz jargonnante que devient l’Éducation Nationale…