3 juillet 2017. La grand messe des profs de français. Comme chaque année dans ces parages brumeux de l’année scolaire finissante. Cette fois, dans le quart d’heure d’attente que s’accordent les profs soucieux d’être à l’heure au rendez-vous des copies, des grilles alambiquées de report des notes et des perles en rivières, ça discute réforme de Najat, compétences et fin d’année en queue de poisson.
Ou en eau de boudin. D’abord à cause de l’organisation des épreuves, chamboulée elle aussi dans le tumulte de la réforme. Les chef(fe)s de centre n’ont eu qu’une matinée expresse pour corriger quelques copies tests et se mettre d’accord sur les tolérances accordées. Certains n’ont même pas reçu de convocation officielle… Ensuite parce qu’on se retrouve, quand même, encore, avec chacun(e) un paquet prodigieux de copies à corriger alors que la moitié des collègues ne sont pas convoqués… Ça serait tellement mieux si on était plus nombreux. Partage du travail, ça s’appelle. Ça signifierait aussi moins de stress, moins de fatigue, et plus d’équité dans l’évaluation du travail des candidats. Pas sûr que celui-ci ou celle-là, avec son visage grognon déjà, soit enclin(e) à noter avec bienveillance sa 45ème copie au bout de sa looongue journée et de son looourd paquet… Enfin, parce qu’on découvre qu’il n’y a pas de grille de notation proposée pour le sujet de rédaction… On a connu ça il y a 20 ans. On lutte contre ça depuis 20 ans : ne surtout pas noter en fonction de son humeur, du ressenti, de la graphie ou du temps qu’il fait… C’est l’inégalité des chances assurée. Depuis 20 ans, on s’escrime à hiérarchiser les critères requis et les compétences qu’on veut évaluer, et on harmonise les points attribués selon ces compétences en regard des attentes du sujet. Et là : rien ! Pas sûr que celui-ci ou celle-là, avec son visage grognon déjà, ne soit enclin(e) à noter la 45ème rédaction de son paquet avec la bienveillance attendue…
Il n’empêche qu’on écoute quand même religieusement les recommandations de notre cheffe de centre. Qu’on attend avec une impatience non dissimulée (ben on perd encore 1/4 d’heure…) les photocopies du sujet qui ne sont pas prêtes. Et qu’on se rue vers la salle où nous attendent, sagement alignées, les fameuses enveloppes de papier kraft marron contenant les fameuses copies à tout petits carreaux pas espacés du tout. Les presbytes n’ont qu’à bien se tenir et ne pas oublier leurs lunettes. On fait la queue. Au moins, en période de soldes, dans les magasins, on multiplie les ouvertures de caisses. Ben là, non. Une pauvre dame se coltine tous les numéros, à 4 chiffres, des jurys pour retrouver la sacro sainte enveloppe qui vous est destinée. Ne poussez pas : il y en aura pour tout le monde, hihi !
Et c’est parti… Malheur à celui ou à celle à qui il manque une copie… Malheur à celui ou à celle qui note au quart de point près… Malheur à celui ou à celle qui se retrouve dans la salle de correction d’un ronchon…
Et puis, pardon pour les « malgré eux », ces candidats qui sortent leur style du dimanche pour épater le correcteur. Ils sont une source de bien être soudain, de sourire, voire de fou rire qui vient détendre l’atmosphère de ces salles où d’anciens potaches sont devenus profs parce qu’ils n’ont pas su devenir des Zola ou des Giono. Allez, partageons ces perles qui illuminent un peu ces fins d’années scolaires embrumées :
Expliquez le sens de « entassement » dans le texte. Texte de Giono, Les vraies Richesses, 1936, où l’auteur décrit son malaise chaque fois qu’il doit affronter la foule sur les trottoirs de la capitale. Une candidate écrit : « Il y a entassement de la foule. Les gens sont collés-serrés. » Ses parents étaient peut-être fans de Philippe Lavil et de Jocelyne Béroard ?
Et puis au palmarès des mauvaises manies orthographiques, la confusion « sa » et « ça » tient la première place, détrônant les « bizart » et « bizzard », comme si ce qui est « bizarre » se couvrait d’une nuée glacée, blizzard blizzard…
Viennent les morceaux d’écriture denses, et souvent absolument pas ponctués, où le candidat s’évertue à vous prouver que la ville, c’est mieux que la campagne : « En ville les routes sont super propres tandis qu’en campagne il y a de la boue tout partout avec les tracteurs. » C’est frais, hein ?!
Et puis le philosophe qui s’interroge, comme Giono du reste, sur les vraies richesses : « Les vraies richesses auxquelles pense l’auteur, c’est beaucoup de monde paye, et ceux qui ne payent pas n’ont rien. » À méditer…
Et puis, il y a ceux qui ne maîtrisent absolument pas la conjugaison du passé simple mais tiennent absolument à l’utiliser. Conjugaison incertaine mâtinée d’un vocabulaire recherché :
« Tout à coup, il fut l’heure où les magasins s’ouvrèrent et une énorme foule apparut en un éclair. Ce fut un moment terrible pour nous car une terrible panique se mit à nous posséder. Nous fûmes embarqués dans la foule. Les gens chahutaient, nous bousculaient, nous piétinaient, hurlaient comme des sauvages. On aurait pu croire à une tragédie. Mais mon cousin nous disa qu’à partir d’aujourd’hui ce fut les soldes. (…) C’est décevant comme les gens peuvent être d’un instant à l’autre différents, changer de comportement et devenir des malades mental, alors qu’habituellement les gens sont calmes et respectueux. »
Et enfin, il y ceux qui ne maîtrisent pas l’utilisation des pronoms relatifs, mais qui tiennent absolument à les utiliser… :
« Il y a quelques mois, je suis allé dans une ville dont j’ignorais comment c’était. (…) Aussi pendant ce séjour, il y avait un petit parc d’attractions dont je n’avais jamais été. »
Dont… act !
J’ai pris plaisir à vous lire, jai même laissé sortir quelques éclats de rire, mais j’ai également bien senti l’agacement…
Ah… si nous étions à la tête de tout ça, le monde tournerait bien mieux…
Amitiés.
Maggy.
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Merci Maggy ! Je suis contente de vous retrouver ici… Bises !
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Bonjour Madame
Vous m’avez rappelé des souvenirs des corrections du brevet, français ou histoire-géographie, du temps où j’etais PEGC . Merci pour ce bon moment et pour l’ensemble de vos productions que je découvre. Bonnes vacances.
Rosemary
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Merci Rosemary pour ce témoignage… Bel été à vous aussi !
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