La Mag@zoom fête son premier anniversaire … Merci aux lecteurs, de plus en plus nombreux, qui le suivent et le font exister. Le Mag@zoom ouvre une fenêtre sur le monde, d’ici et d’ailleurs, dénonce parfois, met en valeur toujours. Des événements, des personnalités, des valeurs humanistes. Pour fêter cette année d’existence, un petit jeu sous forme d’énigmes : chaque jour du mois de septembre 2016, la publication d’une citation ou d’un portrait. Aux lecteurs de retrouver l’auteur de la citation ou l’identité du personnage sur le portrait. Les réponses se trouvent… dans les articles du Mag@zoom publiés depuis un an… ! Amusez-vous !
Rendez-vous le 1er septembre 2016 pour la 1ère énigme…
Rio 2016 : la présence des femmes aux J.O. semble une évidence. Il n’en a pas toujours été ainsi. Et même si le C.I.O. s’est engagé à promouvoir l’égalité des sexes au sein de l’olympisme, la présence des femmes est d’abord toute récente. La présence des femmes est ensuite, et encore, source de polémique. Femme, sport et islam ont du mal à trouver un terrain d’entente. Retour sur une lutte pour une place sur les podiums. Avers et revers de la médaille…
La première femme en or des Jeux Olympiques est Charlotte Reinagle Cooper. Britannique déterminée et raffinée, c’est à l’âge de 30 ans qu’elle accomplit déjà un premier exploit : le droit de participer à la IIème Olympiade moderne, depuis sa création 4 ans plus tôt à Athènes. Et ce, malgré les réticences de Pierre de Coubertin. Elles sont d’ailleurs 22femmes à se frayer un chemin sur le parcours de golf ou les courts de tennis, parmi les 975 hommes inscrits aux Jeux de Paris, en 1900. 22 femmes, pour 5 disciplines qui leur sont ouvertes : voile, croquet, équitation, golf et tennis.
Charlotte Cooper, 1ère femme médaillée d’or aux J.O., Paris, 1900.
C’est d’ailleurs sur un court de tennis que s’illustre notre Charlotte, affectueusement surnommée « Chatty« . Première femme des Jeux Olympiques à remporter une médaille d’or. C’est à Paris. En 1900. Elle la partage avec sa compatriote Reginald Doherty, pour leur performance commune en double mixte.
Depuis, les femmes se sont imposées. avec les encouragements du C.I.O.. On peut lire en effet dans la Charte olympique de 2015, Règle 2, paragraphe 7 : « le rôle du CIO est d’encourager et soutenir la promotion des femmes dans le sport, à tous les niveaux et dans toutes les structures, dans le but de mettre en œuvre le principe d’égalité entre hommes et femmes. » Depuis 1991, chaque sport voulant intégrer l’Olympe doit prévoir des épreuves féminines. 44% des athlètes aux J.O. de Londres en 2012 étaient des femmes. Elles n’étaient que 13% à Tokyo en 1964. Le C.I.O. montre d’ailleurs l’exemple au sein même de son administration. Pour la première fois, en 1990, une championne d’équitation, de tennis et de golf, membre de l’équipe équestre vénézuélienne aux Jeux de la XVIe Olympiade en 1956, est élue membre de la commission exécutive : Flor Isava Fonseca. Pionnière, elle ouvre la voie à d’autres femmes parties à l’assaut du sommet olympien. Anita L. DeFrantz, Gunilla Lindberg, Nawal El Moutawakel, Claudia Bokel. Toutes médaillées aux J.O. dans leurs disciplines respectives. Toutes œuvrant pour que les femmes aient leur place aux côtés des hommes dans la légende des Jeux.
Flor Isava Fonseca, 1ère femme élue membre de la commission exécutive du C.I.O.
Combien sont-elles à Rio ? Les comptes seront faits à l’heure du bilan. Il est un chiffre que l’on retient cependant tant il étonne, tant il montre que les progrès en matière d’égalité sont encore à fournir : 4. 4 athlètes saoudiennes ont été discrètement « invitées » à participer aux J.O. de Rio. Discrètement, car l’Arabie Saoudite ne veut pas s’attirer les foudres des autorités religieuses… Sarah al-Attar, qui a déjà participé aux J.O. de Londres en 2012, concourt pour le 800 mètres. Wujud Fahmi en judo. Lubna al-Omair en escrime. Cariman Abu al-Jadail sur le 100 mètres. Encore des pionnières… L’Arabie Saoudite a exigé du C.I.O. des conditions pour que ces 4 femmes puissent participer : elles doivent porter la tenue islamique, se couvrir de la tête aux pieds, obtenir l’accord d’un tuteur (père ou frère) qui devra les chaperonner tout au long de leur séjour à Rio… Un précédent avait déjà soulevé une polémique. La judokate saoudienne Wodjan Shahrkhani, qui accompagnait déjà Sarah al-Attar à Londres, avait pu fouler le tatami à condition d’avoir la tête couverte. Le voile étant banni pour raison de sécurité dans ce genre d’épreuve, elle avait porté un bonnet :
Sarah al-Attar avait pris part à l’épreuve du 400 m aux J.O. de Londres en 2012, voilée… :
Ces images ainsi que les compromis du C.I.O. suscitent des polémiques. On pourrait aussi sourire des images « floutées » des athlètes féminines diffusées sur certaines chaînes contrôlées par des autorités islamistes. Le C.I.O. s’est engagé, outre à promouvoir l’égalité homme-femme, à bannir toute « sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale dans un lieu, site ou autre emplacement olympique » (article 50-2). Ces femmes qui se distinguent par leur tenue vestimentaire sont-elles le symbole d’une avancée en matière d’égalité des sexes dans les pays fortement islamisés ?Leur présence aux J.O. en serait la preuve suffisante. Ou sont-elles la preuve que la soumission des femmes aux diktats de certains hommes qui brandissent la religion comme un étendard de domination sur la moitié de l’humanité ? Comment doit-on interpréter le port de certains vêtements, voile, bonnet, burkini, dans les lieux voués au sport ? Certaines femmes elles-mêmes revendiquent ces tenues comme des remparts contre l’impudeur…
Femme, musulmane, arabe, Nawal el-Moutawakel, représentante du Maroc aux J.O. de Los Angeles en 1984, a pourtant couru le 400 mètres bras et jambes découverts…
Il semble que la femme soit depuis toujours un prétexte, un « terrain » de conflits. Conflits virtuels dans le sport, conflits réels en tant de guerre. La femme reste un objet symbolique de prise de pouvoir des hommes qui s’opposent dans une lutte pour une domination financière et territoriale du monde.
«L’important aux Jeux olympiques n’est pas d’y gagner, mais d’y prendre part ; car l’essentiel dans la vie n’est pas tant de conquérir que de bien lutter.» C’est par la diffusion de ces paroles de Pierre de Coubertin que débute la XIème Olympiade, au Stade Olympique de Berlin, construit pour l’occasion. Bien lutter. Ce que fit un athlète en particulier : Jesse Owens. Entre boycott et participation symbolique, l’athlète noir américain démontre que la lutte est toujours possible, que le symbole demeure nécessaire dans une société, celle de 1936 en Europe, celle d’aujourd’hui, où certaines valeurs sacrées pour l’humanité s’étiolent dans le « tout à l’ego » de l’indifférence mondialisée. Un film sorti en France cet été retrace ce moment clé pour le sport et pour l’évolution des droits : La Couleur de la victoire, de Stephen Hopkins. Retour sur un événement, 80 ans après…
Jesse Owens. J.O. d’été de Berlin, 1936.
Les Jeux Olympiques d’été à Berlin en 1936, c’était pas gagné d’avance. Hitler est au pouvoir en Allemagne depuis 1933, et ils sont nombreux, un peu partout dans le monde, au Comité Olympique aussi, à vouloir boycotter ces jeux. Comment un Afro Américain peut-il cautionner par sa présence un régime ostensiblement hostile aux juifs et aux noirs ? Montrer par une absence visible qu’on ne cautionne pas ce régime. Voilà une partie du débat d’idées. Sans parler des pressions que subit Jesse Owens lui-même de la part des associations de lutte contre le racisme aux États Unis : comment un noir peut-il représenter une nation dans laquelle il n’est même pas à égalité de droits avec les blancs ?
L’équipe américaine prend le bateau quand même. Des athlètes noirs. Des athlètes juifs aussi. Après les qualifications de juillet 1936, l’homme le plus rapide du monde, comme on le surnomme alors, enchaîne les exploits. Immense stade Olympique de Berlin. 100 000 spectateurs. Première diffusion des Jeux d’été à la télévision. Postérité tout acquise par un autre film en train de se tourner : Les Dieux du Stade, réalisé par Leni Riefenstahl. 100 m. Saut en longueur. 200 m. 4 x 100 m en relais. 4 épreuves. 4 médailles d’or. Et des records du monde… Le film de Stephen Hopkins montre avec réussite ces exploits jubilatoires. Parce qu’à la beauté du défi sportif s’ajoute la jubilation de la revanche : celle d’un homme de couleur qui brave le racisme.
Il montre aussi le revers de la médaille : Jesse Owens ne devait pas prendre part au relai 4 x 100 m. Les organisateurs, tout acquis à la cause nazie, ont refusé que les deux athlètes juifs de l’équipe américaine y participent : Marty Glickman et Sam Stoller apprennent le matin même de l’épreuve qu’ils ne peuvent pas prendre le départ. Les Américains ripostent à leur façon : ce sont deux athlètes noirs qui remplaceront les deux athlètes juifs… Pied de nez à l’idéologie nauséabonde.
Marty Glickman, à gauche, Sam Stoller, à droite.
Les J.O. de Berlin n’ont pas empêché l’holocauste. Ils ont même encouragé les nations occidentales à continuer à dormir sur leurs illusions et leur indifférence … Ils ont cependant permis à la lutte pour l’égalité des droits civiques aux États Unis de se poursuivre. La question reste posée : quels symboles véhiculent aujourd’hui les Jeux Olympiques ? Quelle est leur importance idéologique dans notre société ? Comment le sport peut-il être une démonstration de la pensée et des valeurs ? Nous avons tous en tête ces images du talentueux Jesse Owens. Nous nous souvenons aussi de ce tragique assassinat de 11 athlètes juifs lors des J.O. de 1972 à Munich. Nous préférons garder cette dernière image de la lutte sportive au service du combat pour des valeurs de respect de l’humanité, image capturée lors des J.O. de 1968 à Mexico :
Jeux olympiques de Mexico. Podium du 200 mètres masculin, de g. à dr. : Peter Norman (Australie, 2ème), Tommie Smith et John Carlos (Etats-Unis, respectivement 1er et 3ème, faisant le signe du « Black Power »), 16 octobre 1968.
Si vous n’avez pas vu le film sorti en février 2016 qui lui est consacré, peut-être pourrez-vous revoir ce documentaire, réalisé par Thierry Michel, en replay sur la chaîne de Public Sénat. Un film choc qui permettra, autant que le souhaite cet article, de prendre conscience d’un drame humanitaire et « fémicide » qui se joue, depuis 20 ans maintenant, en République Démocratique du Congo. Et qui permettra de rendre hommage à un homme extraordinaire, dont l’action mérite d’être saluée unanimement : Denis Mukwege.
UN « FÉMICIDE » ORGANISÉ
La géopolitique de la RDC est complexe, comme dans la plupart des pays d’Afrique. La situation troublée de la RDC s’enracine dans le conflit fratricide du Rwanda qui oppose Hutu et Tutsi d’une part ; et d’autre part dans l’opposition au régime autocratique du Président Mobutu, opposition menée par Laurent-Désiré Kabila. De là, des conflits incessants, notamment dans l’est du pays, à la frontière avec le Rwanda voisin. C’est dans cette zone que sont perpétrés des viols collectifs, de femmes mais aussi de très jeunes filles, parfois mineures. Le viol collectif comme arme de guerre. Chouna Malgondo, journaliste congolaise réfugiée en France à la Maison des Journalistes en 2010, expliquait ainsi la situation de son pays :
Bien que le conflit soit officiellement terminé depuis la signature d’accords de paix en décembre 2002, l’est du pays continue d’être le théâtre de combats et de pillages, perpétrés par divers groupes armés. Les violences restent particulièrement fortes dans la région du Kivu, dans le Katanga, et en Ituri (…). Les différents groupes armés continuent de défendre leurs propres intérêts et leur lutte pour le contrôle d’un territoire s’accompagne souvent d’exactions sur les populations civiles, de pillages. Dans un pays où les structures de santé sont défaillantes ou inexistantes, la situation générale demeure très précaire. En RDC, des centaines de milliers de femmes sont violées depuis 1994, en marge de la guerre civile. Des crimes impunis, malgré la résolution de l’ONU votée en juin 2008 et qui considère le viol comme arme de guerre. Le viol peut donc constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif de génocide.
Carte de la RDC.
Denis Mukwege et l’équipe de chirurgiens qu’il forme en RDC, dénoncent aussi les viols, de plus en plus nombreux, commis sur des enfants. Cette pratique tend à se répandre dans la société. Et ce sont des êtres abîmés que le professeur tente de «réparer»…
L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES
Denis Mukwege est né en 1955 au sud Congo, à l’époque où le pays est encore colonie belge. Il se forme à la médecine à l’université du Burundi, et se spécialise en gynécologie en Europe, à l’université d’Angers puis à l’université libre de Bruxelles. Il est devenu «un ange qui soigne», comme le dit avec beaucoup de fierté sa maman dans le documentaire. Mais contrairement à d’autres Africains qui font carrière dans les pays dits développés, il décide de retourner dans son pays d’origine pour venir en aide aux populations les plus en détresse. Il devient ainsi médecin directeur de l’hôpital de Lemera dans le Sud Kivu. Hôpital violemment détruit lors de la Première Guerre du Congo en 1996. Le Docteur Denis Mukwege a la vie sauve. Il se réfugie à Nairobi, puis décide de retourner en RDC. Il y fonde l’hôpital Panzi à Bukavu.
Le Docteur Denis Mukwege en 2014.
C’est là qu’ il découvre avec horreur une pathologie nouvelle qui le marque et donne une nouvelle orientation à son action en faveur de l’humanité : la destruction volontaire et planifiée des organes génitaux des femmes. Il fait connaître au monde cette barbarie sexuelle dont les femmes sont victimes à l’Est du Congo où le viol collectif est utilisé comme arme de guerre. Il se spécialise dans la prise en charge des femmes victimes de viols collectifs. Prise en charge physique, psychique, économique et juridique. C’est à ce titre qu’il a reçu un doctorat honoris causa de l’université d’Umeå (Suède) en octobre 2010. Au cours de la même année, il a reçu la médaille Wallenberg de l’université du Michigan. Auparavant, en 2008, il a été élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur en France et a reçu le Prix des Droits de l’Homme des Nations Unies. En 2014, il reçoit le Prix Sakharov.
Ce médecin, ce bienfaiteur de l’humanité, est le sujet de ce film documentaire, de Thierry Michel et Colette Braeckman :L’homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate. Il retrace l’histoire et le combat du docteur Denis Mukwege.
Le docteur profite de ce coup de projecteur donné à son action pour intervenir de plus en plus dans les médias. Ce qu’il dénonce : l’injustice. Les criminels, auteurs de viols, ne sont toujours pas jugés. Denis Mukwege réclame que justice soit faite. Denis Mukwege s’insurge contre les violences faites aux femmes, partout dans le monde, en cas de conflits. Denis Mukwege veut une réelle prise de conscience que ces crimes contre les femmes, et aujourd’hui contre les enfants, sont des crimes contre l’humanité. Nous l’entendons ici lors de son passage à Paris en mars 2016 :
Un regard bleu azur trempé comme l’acier de sa détermination. Un physique d’athlète forgé par des années de pratiques sportives et par un métier musclé. Des convictions pleines de bon sens et de générosité acquises par des années d’observation du monde et du monde du travail. À 45 ans, Bruno Isaert est devenu un artisan qui cultive un art de vivre et d’exister qui change le monde à sa mesure et avec mesure. Portrait.
Il a fondé son entreprise de peinture et de décoration du bâtiment il y a bientôt 20 ans. Après avoir exercé un métier hors du commun qui lui a permis d’approfondir la psychologie humaine et le comportement d’une certaine élite. Devant le comportement mesquin, sans humanité, voire irresponsable de ces élites du pouvoir et de l’argent, il a opéré un changement radical dans sa vie professionnelle. Artisan engagé. Aujourd’hui, il met son savoir faire au service de son art.Et au service des autres au sein de la CAPEB : Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment. C’est le syndicat patronal de l’artisanat du bâtiment. Pour les petites entreprises comprenant jusqu’à 11 employés. Un monde du travail à taille humaine.
Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment.
Sa raison de vivre, c’est ce combat pour défendre une profession parfois en butte à des décisions politiques ou à des désordres dus à un capitalisme échevelé qui méprisent l’être humain et l’environnement. Ses combats sont ceux de cette confédération, qui, depuis 70 ans, a fait progresser ces métiers. Dans une après guerre où tout est à reconstruire, les artisans se regroupent. Autour de Marcel Lecœur, un des pères fondateurs. Aujourd’hui, cette confédération est une « cathédrale » avec à sa tête Patrick Liébus, couvreur zingueur de formation. Et les combats ont porté leurs fruits. Formation en alternance et apprentissage. Prime à l’amélioration de l’habitat pour les propriétaires les plus modestes. Instauration du taux à 0%. Prise en compte des normes d’accessibilité des bâtiments par la marque Handibat. Lutte contre le travail clandestin. Aide à la création d’entreprises. Amélioration des conditions de travail des artisans. Reconnaissance du statut des épouses d’artisans. Catherine Foucher, Présidente de la Commission Nationale des Femmes d’Artisans, a d’ailleurs été élevée au rang de Chevalier dans l’Ordre national du mérite en juillet 2016, par Patrick Liébus lui-même. Promotion des métiers du bâtiment auprès des jeunes, et des filles.
Campagne de promotion des femmes au sein des métiers du bâtiment.
Combat écologique : la CAPEB a, par exemple, permis la baisse de la TVA sur les travaux d’isolation thermique de 10 à 5%. La CAPEB a lutté pour que ces travaux d’isolation, bénéfiques pour l’économie d’énergie et donc pour la protection de l’environnement, soient déductibles d’impôts… C’est la CAPEB qui est à l’origine d’une prise de conscience écologique dans les métiers du bâtiment. Avec par exemple la norme «éco artisan», et les réflexions menées pour une conception durable et écologique du bâtiment.
Bruno Isaert.
Le combat est humain aussi. C’est celui de la lutte contre les conditions d’emploi des «travailleurs détachés». C’est d’ailleurs une priorité du gouvernement français au sein de l’Europe. Explication : le travailleur détaché quitte son pays d’origine, souvent un pays de l’est de l’Europe, pour offrir ses compétences professionnelles dans un autre pays. Sauf que les cotisations sociales sont celles du pays d’origine et pas celles du pays d’accueil. Conséquences : une sorte d’esclavage moderne, des ouvriers issus des pays de l’est par exemple qui sont bien moins payés par les employeurs (en général de grosses entreprises du bâtiment). Ces ouvriers sont sous payés, malmenés le temps de leur contrat. Sans parler que cette pratique met en place une concurrence malsaine entre ces travailleurs détachés et les artisans du cru. Voir à ce propos l’article de La Voix du Nord de novembre 2014 qui évoque ce dossier et le combat de Bruno Isaert : ici.
Ces combats sont donc ceux que Bruno Isaert mène depuis 1998 au sein de la CAPEB. Autre cheval de bataille, toujours en lien avec l’environnement et l’écologie : le traitement des déchets. Notre Président de la Chambre des Peintres, élu de la CAPEB 59, s’insurge contre les déchetteries devenues payantes. Ce qui n’encourage pas, selon lui, le réflexe citoyen, et écologique, et qui est une charge financière de plus pour les artisans qui sont amenés à déblayer. Une sorte d’«impôt déguisé» pour notre représentant de Dunkerque Flandre Littoral qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots… . Voir à ce propos l’article de La Voix du Nord de septembre 2015 : là. Et ces combats, il les mène avec humanité et détermination. Et avec beaucoup de modestie aussi :
Je n’aime pas qu’on me mette en avant. Si je prends la parole, c’est pour aider ou défendre les collègues qui m’ont élu en tant que leur représentant. Je ne me contente pas de paroles. Je vais au charbon. Je suis une personne de terrain.
Il confie lui-même qu’il ne prend jamais de décisions sous le coup de l’émotion. Il prend le temps de la réflexion, en discute avec les «anciens», s’inspirant de leur expérience et de leur sagesse. Les prochains combats pour Bruno Isaert au sein de la CAPEB ? La protection sociale des artisans. La santé et la sécurité au travail. Une plus grande reconnaissance des épouses d’artisans, partenaires à égalité dans l’entreprise.
Amoureux de nature, il s’est épris des Antilles, notamment de la Guadeloupe où il n’hésite pas à se rendre dès que son planning plutôt chargé le lui permet. Pêche, plongée sous marine, conversations avec les autochtones. Ce contact contribue à maintenir en lui une réflexion constante sur les rapports que l’homme entretient avec le monde qui l’entoure.
L’eau est essentielle pour la vie. Dans nos pays développés, on ouvre un robinet, l’eau coule et on ne se rend pas compte de cette chance que nous avons. Nous ne nous rendons plus compte du confort dans lequel nous vivons. Dans certains pays du monde, ceux de l’Afrique, aux Antilles, à Cuba… on n’a pas ce confort. Ici, il faut faire prendre conscience aux jeunes de cette chance que nous avons de ne pas à avoir à nous battre pour notre survie. Et il faut faire en sorte de ne pas léguer tous nos déchets polluants aux générations futures…
Les jeunes, il les connaît bien. Il en a formé des dizaines au sein de son entreprise. Leur transmettre l’amour du métier, le goût de toujours bien faire, l’envie d’apprendre des techniques et de les affiner, le respect du contact humain…L’humain. C’est ce qui le fait se lever chaque matin. Il avoue qu’un de ses rêves aurait été de travailler dans l’humanitaire. Pour «apporter une pierre de gentillesse» dans ce monde qui en a besoin. Son métier lui permet d’entrer dans l’intimité des particuliers et de faire des rencontres enrichissantes. La sienne en est une. N’hésitez pas à faire appel au savoir faire de cet artisan qui sait aussi savoir être…
La décision est tombée. Déception des uns, contentement des autres, compréhension de tous. Il n’y aura pas de braderie de Lille cette année en 2016.
Notez bien qu’on dit « la braderie de Lille », et non pas « la braderie à Lille », ou « la foire », tant cette manifestation est- était ? – unique en Europe : mélange de commerçants attitrés et de « bradeux » amateurs, amateurs de moules frites, amoureux de brocante, promeneurs et flâneurs de toute la région et d’une partie de l’Europe du Nord. Pourtant, le caractère de cette foire dont on peut déplorer l’annulation un peu tardive – Michèle et Josette avaient déjà rempli leur camion de « vieuseries » qui leur auraient rapporté de quoi se payer des vacances à Stella Plage l’année prochaine et les restaurateurs, et autres professionnels, avaient déjà assuré leurs commandes aux fournisseurs – ne prend sa forme que dans un passé très récent…
Watteau, La Braderie de Lille, 1799-1800.
La foire ou « franche foire », qui avait lieu à Lille au Moyen Age, se tenait juste après le 15 août sur la Place du Marché (actuelle Place du Général de Gaulle) et réunissaient des commerçants qui pouvaient y vendre exceptionnellement leurs produits. Du tissu essentiellement. La première dont on garde une trace grâce aux chroniques de Galbert de Bruges, remonte à 1127. Cette foire de Lille était à ce titre une foire aussi courue à l’époque que celle d’Ypres, de Bruges, de Torhout ou de Messines. Lille était flamande à l’époque…
Une foire au Moyen Age. On y vendait essentiellement du tissu.
La foire se développe durant le Moyen Age. Elle est rendue possible par l’amélioration des routes qui mènent aux grandes villes flamandes. En 1446, deux marchands, Godin Maille et Pierre Tremart, s’installent sur la place et vendent autre chose que du tissu : des volailles et des harengs. En flamand, « rôtir » se dit « braden » ; le mot « braderie » semblerait donc tirer son origine du poulet rôti et non pas des moules frites…
La foire devient vide grenier au début du XVIème siècle (en 1523) : les domestiques obtiennent l’autorisation de leurs patrons de vendre de menus objets usagés… Un siècle plus tard, les voies d’accès s’améliorent et le commerce se développe plus facilement. Les marchands n’attendent plus les foires pour se répandre sur les marchés… La foire de Lille voit son public se colorer d’artistes ambulants qui donnent un air de fête à cette manifestation de plus en plus populaire.
Au XIXème siècle, des bourgeois et des camelots venus d’autres bourgades viennent à Lille vendre leurs objets. Et c’est à la fin du XIXème siècle que les frites apparaissent ! Avec les forains qui viennent de plus en plus nombreux, apportant avec eux l’électricité, les frites en cornet et la fête. Évidemment les deux conflits mondiaux et la reconstruction voient se ternir cette manifestation qui refleurit avec les Trente Glorieuses. On vient à la braderie de Lille aussi pour consommer autrement, pour acheter de l’ancien ou du pas cher. Sorte de réaction à la fièvre de consommation de ces années d’opulence économique…
La moule frite lilloise est une quadragénaire qui se porte bien. Et gageons que l’annulation de la braderie cette année n’empêchera pas le tissu populaire de se reformer autour des monceaux de coquilles vides devenus symboles d’une convivialité qui ne veut pas se perdre…
On veut nous faire croire à une guerre de religions. On veut nous monter les uns contre les autres. Le crime commis hier sur la personne de Jacques Hamel, prêtre de 85 ans, à l’heure de la messe, au milieu de sa petite communauté dans cette église de Saint Etienne-du-Rouvray, en Normandie, ne relève pas de la guerre au nom d’une religion. C’est le meurtre d’un barbare qui ne connaissait même pas une sourate du Coran ! Des jeunes gens dans une dérive psychologique, affective, culturelle au sens large, se jettent sur les épaules le manteau du crime au nom de Daesh pour exister, et être reconnus au moins une fois dans leur vie… Ce n’est pas une guerre de religions. Au secours Voltaire…
Jacques Hamel.
TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, VOLTAIRE
CHAPITRE XXIII
PRIÈRE À DIEU.
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules,entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou on violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Elle est une des femmes auxquelles Michel Onfray rend hommage dans son récent ouvrage : La Force du sexe faible. Contre-histoire de la Révolution Française. Comme Olympe de Gouges, Charlotte Corday ou Mme Roland, elle fut une des premières féministes, et surtout l’une des nombreuses humanistes, de cette période troublée et sanglante de notre histoire. Fille spirituelle de Plutarque et de Condorcet, elle joua un rôle important pour donner à la Révolution un visage humain. Portrait de la « belle Liégeoise ».
Théroigne de Méricourt en 1791. Portrait de Jean Fouquet.
Elle naît Anne-Josèphe Terwagne en 1762, à Marcourt. Campagne de Liège. Aujourd’hui, elle serait Belge. Famille de paysans aisés. Mais très vite la catastrophe s’abat sur elle : orpheline de mère, elle devient le souffre douleur d’une belle mère acariâtre. Cendrillon dans un Siècle des Lumières. De couvent en parent maltraitant, de l’opulence originelle à la misère qui fait son lit, la jeune Terwagne doit son salut à une famille anglaise de passage, qui l’embauche comme dame de compagnie pour les enfants. Elle apprend alors à lire, à écrire, à chanter, à jouer du piano. Elle rencontre un jeune officier anglais. Cendrillon semble vivre son conte de fée.
Sauf que le jeune officier anglais l’emmène à Paris et lui montre son univers familier : celui du libertinage. Le XVIIIème siècle est aussi celui de Sade… Enfant maltraitée, elle devient objet sexuel. Y prend goût ? Elle attrape la syphilis. Et cette maladie la fera souffrir jusqu’à la mort. En passant par la folie.
Pour l’heure, elle prend un traitement à base de mercure qui la fait horriblement souffrir, mais qui éloigne encore la démence. C’est à Paris qu’elle devient Théroigne de Méricourt. C’est la presse royaliste qui l’appelle de cette façon : en l’affublant d’une particule, elle veut la faire passer pour une traîtresse à la cause du roi et comme une ennemie du peuple. Elle loue un logement à Versailles pour suivre les délibérations de l’Assemblée. Elle s’intéresse à l’élaboration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Elle assiste aux débats entre députés. Elle reçoit chez elle Desmoulins, Sieyès, Brissot. Elle fonde en janvier 1790 la Société des amis de la Loi. Dans ce club, ils sont nombreux, les « think tanks » de l’époque, on propose des idées neuves pour réformer cette société sclérosée aux finances proches de la banqueroute, où la noblesse gaspille et où le peuple meurt de faim. Abrogation de la loi contraignant à payer pour être élu député, citoyenneté entière pour les juifs, « pour les musulmans et les hommes de toutes les sectes », liberté de la presse, égalité entre hommes et femmes.
La marche des femmes du 6 octobre 1789.
Ce club-là est dissout. Qu’à cela ne tienne, elle en fonde un autre : le club des Droits de l’Homme. Homme au sens d’être humain bien sûr. Les valeurs défendues ? Fraternité, justice, bonnes mœurs, vertu, défense des faibles par l’éducation. Hugo n’a rien inventé…
Théroigne attise les haines. À droite, la haine des ultra royalistes. À gauche, la haine des Montagnards, qui se révèleront d’ultra révolutionnaires sanguinaires. Les Montagnards accoucheront d’un monstre : la Terreur robespierriste. Elle continue son combat pacifiste. Elle fait sienne les idées de Condorcet : abolition de l’esclavage, abolition de la peine de mort, y compris celle du roi, égalité des droits entre hommes et femmes. Ces idées sont diffusées largement par les travaux d’un club mixte qui voit le jour en 1791 : la Société fraternelle des deux sexes. Théroigne en fait évidemment partie.
Fatiguée des attaques continuelles, elle se réfugie un temps en Belgique, sa terre natale, et y exporte les idées neuves de la Révolution. Elle se plonge à nouveau dans la lecture des philosophes antiques. Retour aux sources encore. Considérée comme une complotiste par les ennemis royalistes, elle est arrêtée et incarcérée dans une prison autrichienne. Elle y reste une année entière. Elle y découvre les textes de Rousseau.
De retour en France, celle que la presse royaliste surnomme la « charogne ambulante » est accueillie chaleureusement par les Girondins, les modérés de la Révolution. Ils l’invitent d’ailleurs à témoigner de son aventure à la tribune de l’Assemblée le 1er février 1792. Le procureur de la Commune dit d’elle :
Vous venez d’entendre une des premières amazones de la liberté. Elle a été martyre de la Constitution.
Brissot, leader de la frange girondine, parle d’elle comme d« une amie de la liberté ».Forte de ce soutien, elle crée des légions d’amazones, des phalanges féminines. Elle harangue les citoyennes, elle parle de
progrès des Lumières qui vous invitent à réfléchir (…) il faut prendre pour arbitre la raison(…) Il est temps que les femmes sortent de leur honteuse nullité, où l’ignorance, l’orgueil, et l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps (…) Nous aussi nous voulons mériter une couronne civique, et briguer l’honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chère qu’à eux, puisque les effets du despotisme s’appesantissent encore plus sur nos têtes que sur les leurs.
Quelle audace ! Quelle témérité ! Quels risques pris aussi dans une Révolution qui prend un tournant résolument machiste et terroriste…. Fessée publique. Insultes de plus en plus violentes dans les journaux hostiles à son action. Notamment de la part de François Suleau, journaliste aux Actes des Apôtres… Celui-ci finit mal : pris à partie et assassiné par une foule populaire animée de vengeance. Théroigne est dans cette foule. Elle ne tue pas. La violence est contre nature pour elle. Mais il n’en faut pas plus pour qu’elle soit arrêtée.
Théroigne de Méricourt en amazone. Auguste Raffet.
Elle n’est pas guillotinée. Elle est enfermée dans un asile, après avoir été déclarée folle… Sans traitement contre la syphilis, qu’elle porte en elle depuis sa jeunesse, folle elle le devient effectivement… Elle passe 23 années de sa vie dans une cellule… Quelle étrange fin pour cette passionnée de la raison…
Ses paroles comme un testament :
Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons, ou nous sommes perdus. Le moment est enfin arrivé où l’intérêt de tous veut que nous nous réunissions, que nous fassions le sacrifice de nos haines et de nos passions pour le salut public.
14 juillet 2016. Le soleil brille sur Coudekerque Branche. Les premiers arrivés se réchauffent aux rayons encore timides ce matin. Au menu de cette matinée de commémorations : un point de rendez-vous symbolique, un défilé par une rue qui l’est tout autant. Des discours pour ne pas oublier. Retour sur un moment clé de la mémoire coudekerquoise autant que nationale.
Marianne. Hôtel de Ville de Coudekerque Branche.
Rue des Élus de Nanterre. C’est là que les différents acteurs de la cérémonie se sont donnés rendez-vous. On y croise un haut représentant de la Marine Nationale. Une brigade de pompiers. Les Anciens Combattants. Drapeaux claquant et médailles brillant dans le soleil. Les tambours de la fanfare bien sûr. La Brigade Vandamme de Coudekerque Branche et le 13ème Léger de Hondschoote. Cocardes tricolores, bicornes et uniformes de la Révolution Française, ces deux groupes nous replongent immédiatement dans notre histoire de France. 14 juillet 1790.
La Brigade Vandamme et le 13ème Léger.La Brigade Vandamme et le 13ème Léger.
C’est la Fête de la Fédération, et non pas la prise de la Bastille, que nous commémorons : c’est ce que nous rappelle l’exposition « Coudekerque Branche et la Révolution Française », à voir jusqu’au 19 juillet dans le hall de la Mairie.
Coudekerque Branche et la Révolution Française. Exposition visible jusqu’au 19 juillet.
Rue des Élus de Nanterre. Le lieu n’est pas anodin. Il rappelle la tuerie de mars 2002. Un fou furieux, « frustré » qui avait mené « une vie de merde » (ce sont ses mots), Richard Durm ouvre le feu plus d’une trentaine de fois sur les élus du Conseil Municipal de Nanterre qui viennent de terminer leurs travaux. Un fou furieux qui voulait faire mourir, en toute conscience, des élus de la Nation. Premier rendez-vous avec notre tragique passé.
Le traditionnel défilé se déroule le long de la rue Henri Ghesquière. Autre martyre. Homme modeste, élu de Lille, prisonnier des Allemands lors de la Première Guerre mondiale. Il succombe sous les sévices de la torture ennemie aux portes de l’armistice.
Puis c’est le Parvis de l’Hôtel de Ville. Le Parvis des Justes. Lieu de rendez-vous obligé en ce jour où la France commémore aussi le 72ème anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv. Plus de 1300 juifs sont arrêtés et envoyés à Auschwitz. Gerbes de fleurs. Sonnerie aux morts. Nous nous recueillons…
Se souvenir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Ce sont les mots de David Bailleul. Pour gouverner, non pas avec une girouette, mais avec une boussole. Et transmettre ce patrimoine hérité des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme, aux plus jeunes.
Angèle Julien, Louise Minne, Simon Weber, élus du CMJ, M.Bailleul, Maire, M.Parent, Adjoint aux Anciens Combattants.
D’ailleurs, ils sont là, les plus jeunes. Sous la houlette bienveillante de M. Decreton qui préside aux destinées du Conseil Municipal des Jeunes et forme avec enthousiasme les apprentis citoyens, trois jeunes élus : Simon Weber et Angèle Julien, tous deux adjoints du CMJ accompagnent leur maire, Louise Minne. Gageons qu’ils sauront tirer les leçons de notre histoire, depuis la Révolution Française, ses exécutions sauvages et ses rêves de liberté, jusqu’aux conflits mondiaux qui devaient payer le prix d’une paix durable dans le monde…
Se souvenir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, et ce qu’on veut…
14 juillet. Les commémorations envahissent l’espace national. À l’heure où l’on célèbre les grands hommes qui ont fait la Révolution, on se rend compte que des femmes, grandes par leur pensée et leur action, sont oubliées. Les historiens ont souvent mis en avant les sanguinaires et les violents (Robespierre, Danton, Saint Just, parmi d’autres), passant sous silence l’œuvre des progressistes. Des femmes pour la plupart. Michel Onfray leur rend un hommage mérité dans La Force du sexe faible, sous-titré Contre histoire de la Révolution Française. Histoire de remettre les pendules à l’heure. Parmi ces femmes, Olympe de Gouges. Portrait.
Olympe de Gouges, pastel de Alexandre Kucharski.
Olympe naît Marie Olympe Gouze en 1748, et son père n’est pas son père. Son père biologique est le marquis de Pompignan, chef du parti des Antiphilosophes, chef du parti bigot mais troussant volontiers ses servantes (faites ce que je dis, pas ce que je fais). Son père adoptif, Gouze, est un boucher traiteur. Elle parle occitan, sait à peine écrire. Et on se demande comment cette jeune femme si éloignée des Lumières sera leur porte parole le plus actif, voire le plus téméraire, sous la Révolution. Veuve et mère à 20 ans, elle modifie alors son identité. Elle devient Olympe de Gouges. Refuse de se marier à nouveau. Mais pas d’aimer. Et elle sera la compagne d’un haut fonctionnaire du Ministère de la Marine, qui lui assurera, en partie, son indépendance financière. Et voilà. Comme le dit Onfray, la libéralité de certains hommes peut faire la liberté de certaines femmes.
Très vite Olympe se passionne pour la littérature, la philosophie. Elle emménage à Paris où tout se joue en ces années d’effervescence intellectuelle. Elle écrit des pièces de théâtre. Beaucoup. Sur les sujets qui lui tiennent à cœur : La Nécessité du divorce ; Molière chez Ninon ou le Siècle des grands hommes, pièce sur l’insoumission des femmes ; Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage, pièce qui s’insurge contre l’esclavage. Brissot, député qui sera à l’origine de la formation des Girondins, est le premier Français à lutter contre l’esclavage ; il importe la Société des Amis des Noirs, créée à Londres en 1787. Olympe y adhère. En 1788, elle publie des Réflexions sur les hommes nègres.Elle y dénonce le colonialisme, l’esclavage et la discrimination. Étonnante modernité.
Elle se passionne pour son pays. Elle publie nombreuses Réflexions qui sont des propositions d’une incroyable modernité là encore. Elle propose de redistribuer plus équitablement les richesses fustigeant « les capitalistes calculateurs qui refusent d’ouvrir leurs trésors ». Elle propose d’ouvrir des maisons pour les plus démunis, maisons qu’elle appelle « maisons du cœur » (De Olympe à Coluche… deux siècles…). Elle propose d’ouvrir des maisons pour que les femmes enceintes puissent accoucher en toute hygiène et en toute quiétude, aidées par des sages femmes. Des maternités quoi. Elle propose une sorte d’assurance sur les catastrophe naturelles, qui préserverait les paysans en cas de mauvaises récoltes (la France est paysanne dans sa presque globalité à l’époque). Elle s’insurge contre la peine de mort. Elle dénonce les conditions de détention en prison.
Et puis, elle écrit et lutte en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans un siècle où les femmes sont considérées comme épouses et/ou comme mères, soumises à leur père ou à leur époux, Olympe, s’inspirant peut-être du Discours sur la servitude volontaire de La Boëtie, proclame que c’est aux femmes de se libérer de ce joug masculin sous lequel elles se sont librement tenues pendant des siècles. Elle fréquente les salons de Mme Helvétius, épouse de l’audacieux philosophe et parlementaire qui osa s’insurger contre la peine de mort. Elle fréquente le salon de Mme Condorcet, épouse d’un autre éminent penseur. Elle croise dans ces salons Diderot, Chamfort, Condorcet, Beccaria, D’Alembert… Elle s’inscrit au Club de la révolution. Et c’est là, au contact de ces esprits éclairés, humanistes, qu’elle forge son féminisme :
Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.
Et voilà ce qu’elle propose en faveur des femmes : droit de vote, éligibilité, partage des fortunes, droits des enfants à connaître leur père et à hériter, pension alimentaire, protection des prostituées, mariage des prêtres, égalité avec les gens de couleur. Toutes ces idées sont développées dans LE texte d’Olympe de Gouges que tout le monde connaît maintenant : La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791),sorte de pied de nez tout à fait sérieux dans son contenu à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, héritée de la Révolution Française.
Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791)
Voilà encore ce qu’elle y écrit :
La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.
Témérité, audace de cette femme qui n’hésita pas à placarder ses propositions dans les rues de Paris. Témérité, audace de cette femme qui n’hésita pas à soumettre ses propositions à la Reine Marie Antoinette… à les distribuer aux Députés qui présidaient alors à la destinée de la France. À une époque où l’un d’entre eux, Sylvain Maréchal pour ne pas le nommer, proposait une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes !
Préambule de la DDFC.
Le 3 novembre 1793, elle est guillotinée, Place de la République. 15 jours après Marie Antoinette.
Retenons encore cette réflexion sur l’humaine condition, qu’elle livre dans La Fierté de l’innocence ou Le silence du véritable patriotisme, et qui fait écho dans nos sociétés, où il s’en faut parfois de peu pour qu’une démocratie devienne tyrannie :
Le sang, disent les féroces agitateurs, fait les révolutions. Le sang même des coupables, versé avec profusion et cruauté, souille éternellement les révolutions, bouleverse tout à coup les cœurs, les esprits, les opinions et, d’un système de gouvernement, on passe rapidement à un autre.
Une mise en garde contre les sanguinaires et les violents de tous bords…