FUKUSHIMA EN AVIGNON

Vendredi 11 mars 2011. Début d’après-midi. Fukushima. Japon. La terre tremble. La mer mugit. Et c’est la catastrophe. Nucléaire. Fukushima, Terre des cerisiers raconte la descente aux enfers du peuple nippon. Largement inspiré du livre de Michaël Ferrier, Fukushima, Récit d’un désastre, le spectacle de Brigitte Mounier de la Compagnie des Mers du Nord, se jouera en Avignon, du 7 au 30 juillet. A ne pas manquer. Un avant-goût ici.

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UNE CATASTROPHE ANNONCÉE

Les dangers du nucléaire, ce n’est pas la première fois que Brigitte Mounier, de la Compagnie des Mers du Nord,  en alerte le public. Reflets du monde, novembre 2013 ; Tchernobyl mon amour, avril 2014,  mise en scène de La Supplication, livre dans lequel la journaliste russe, prix Nobel de Littérature 2015, Svetlana Alexievitch rapporte avec émotion les récits des témoins de la tragédie nucléaire de Tchernobyl. Cette fois, elle frappe plus fort encore, les consciences, en adaptant l’essentiel de Fukushima, Récit d’un désastre de Michaël Ferrier. « Cela fait 80 millions d’années que ces plaques [les plaques tectoniques] se frictionnent. Aujourd’hui, ce vieux conflit s’est réveillé. Les répliques s’enchaînent à une cadence folle. La terre tremble. La terre tremble. Le vendredi 11 mars : 78 séismes. Le samedi 12 mars : 148 séismes. Le dimanche 13 : 117 séismes. (…) Paul Claudel, lui, trouve pour le dire les mots justes et l’image exacte : ″A tout moment, à midi, au théâtre, pendant le repas, la main mystérieuse intervient. Elle saisit le Japon au collet, elle lui rappelle qu’elle est là.″ Ici, en une semaine, on en est à plus de 400 répliques. Un tremblement de terre magnitude 5 minimum toutes les 17 minutes… Et c’est dans ce pays qu’on a construit 54 réacteurs nucléaires. » Ce sont les mots de l’auteur, repris par Brigitte Mounier pour dire l’essentiel du message qu’elle veut transmettre au public. L’inconscience meurtrière de ceux qui ont installé des centrales nucléaires sur une terre fragile. Ce mois de mars 2011, les éléments se déchaînent sur le Japon : la terre tremble, un tsunami engloutit tout ce qui vit sous un déluge d’eau, le feu brûle infiniment dans les réacteurs de la centrale, et l’air qu’on respire devient poison, et tue lentement.

Une mère et sa fille prient lors du premier anniversaire de la catastrophe d'Hiroshima, le 11 mars 2012. REUTERS/Kim Kyung-Hoon.
Une mère et sa fille prient lors du premier anniversaire de la catastrophe d’Hiroshima, le 11 mars 2012. REUTERS/Kim Kyung-Hoon.

« L’île principale de l’archipel semble avoir glissé de plus de deux mètres et l’axe de rotation de la Terre s’être déplacé de dix centimètres, alors imaginez ce qui s’est passé avec les maisons (..) le séisme du Tohoku a libéré une énergie 24 mille fois plus forte que la bombe atomique larguée en 1945 à Nagasaki. » Les mots disent l’énormité, l’aberration, l’horreur aussi vécue pas les populations victimes à la fois du cataclysme naturel et de la catastrophe nucléaire. Mettre en scène l’énormité, l’aberration et l’horreur, c’est le pari de Brigitte Mounier.

MISE EN SCÈNE D’UNE CATASTROPHE

Une année de préparation. Une année d’imprégnation du texte. Des trouvailles techniques ingénieuses. 1h15 seule en scène. Une performance d’actrice remarquable, servie par une chorégraphie époustouflante, composée par Antonia Vitti, partenaire de Carolyn Carlson. Un spectacle en trois tableaux. Comme un haïku que l’on découvre vers après vers. Ou comme un éventail qui se déplie. La Terre. La Mer. Le Ciel. Ou comment le monde devient fou. Baudelaire et Claudel se cassent la figure de la bibliothèque. Des bouts du ciel nous tombent sur la tête. Les murs tremblent. Le sol tangue. Tout est sens dessus dessous. Et la mer vient engloutir le tout. Comment montrer la vague haute de trois étages ? Comment montrer ce déferlement vertigineux : la vitesse d’un tsunami est de 360 km /h pour 1km d’eau ; à 5 km du rivage, les vagues sont encore à 800 km/h … à 500 mètres, c’est l’équivalent d’un TGV ( 250 km/h) qui se lance sur la plage… Comment montrer « les corps, les cris, la lente agonie (..) le bruit de l’eau (…) l’écharpe de boue, la strangulation liquide » les amas de voitures, de bateaux, de maisons, les objets, le verre, le bois, les métaux, toutes ces choses du quotidien des hommes entremêlées dans une danse stagnante et macabre. Comment ? Un aquarium. Sur scène Déroutant. Étonnant. Confondant. Le corps de l’actrice immergé montre tous ces cadavres à la dérive d’un déluge qui charrie êtres et choses dans son cortège boueux et funèbre.

Affiche du spectacle de Brigitte Mounier.
Affiche du spectacle de Brigitte Mounier.

Entre poésie et crudité, entre douceur et violence, entre cerisiers en fleurs et eau stagnante, Brigitte Mounier évolue avec grâce et fermeté pour dénoncer la folie des hommes. Pour éveiller les consciences.

Fukushima. Récit d'un désastre, Michael Ferrier (2012)
Fukushima. Récit d’un désastre, Michael Ferrier (2012)

Il faut lire le récit de Michaël Ferrier, paru aux éditions Gallimard en 2012, et disponible en format de poche. Il faut courir voir le spectacle de Brigitte Mounier, dans le cadre des Hauts de France en Avignon. Gageons que Fukushima, Terre des cerisiers provoque, lui, le séisme des consciences…

Présence Pasteur, 13 rue Pont Trouca, Avignon. Réservations : 07 82 90 08 21. Informations pratiques : ici.

Le site de la Compagnie des Mers du Nord, avec une présentation du spectacle : ici.

La Page Facebook de La Compagnie des Mers du Nord : .

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MISERABLES ! PREMIERE ET PREMIERES IMAGES…

Samedi 18 juin 2016. 18h. Coudekerque Branche. L’Espace Jean Vilar est plein comme un œuf. Les 150 enfants de l’École Municipale de Musique et de Danse sont prêts. Danseuses, musiciens, choristes, solistes interprètent Misérables ! d’après l’œuvre de Victor Hugo. Retour en images sur cette première…

A la volonté du peuple (Orion P.)
A la volonté du peuple (Orion P.)
A la volonté du peuple, chorale, côté jardin...
A la volonté du peuple, chorale, côté jardin…
A la volonté du peuple, chorale, côté cour...
A la volonté du peuple, chorale, côté cour…

Cosette Philippine

Cosette et Léa

Louise Minne, Eponine, et les danseuses.
Louise Minne, Eponine, et les danseuses.

Mon histoire danseuses

Louis Fichelle, Marius.
Louis Fichelle, Marius.
Mme Thénardier, Elena Cilli.
Mme Thénardier, Elena Cilli et les danseuses.
Margot Minne est Fantine (ABC)
Margot Minne, Fantine.
Margot Minne, Fantine, et les danseuses.
Margot Minne, Fantine, et les danseuses.
Emy et Rosie.
Emy et Rosie.
La mort de Gavroche, Tristan Spicht.
La mort de Gavroche, Tristan Spicht.
Final : le PDI et Alain Fenet.
Final : le PDI et Alain Fenet.

Toutes les photos et toutes les vidéos du spectacle seront bientôt en ligne sur le site de la ville de Coudekerque Branche.

Photo 1 : Orion Productions (merci à Pierre Thouvenot !)

Autres photos : AndelBorneCompagny (merci à Bernard Borne !)

 

 

JUSTINE OU LES VERTUS DE LA LITTERATURE

 Avez-vous jamais rêvé de voir évoluer ensemble, dans une même aventure, Cyrano de Bergerac, Miss Marple, Peter Pan et Don quichotte ? Traversant les époques et les genres, ces personnages se rencontreraient par la grâce d’un Lazarillo responsable, sous l’égide d’un Pangloss très âgé mais très courageux, et mèneraient une guerre impitoyable à un tyran inculte, qui a détruit les livres de son pays, et dont le nom sonne comme un mauvais souvenir du nazisme : Otto Dafé. Ne rêvez plus : ce livre, Justine Jotham l’a écrit et il a été publié le 26 mai. Qui veut la peau d’Otto Dafé ? C’est le titre. Qui veut en savoir un peu plus sur son auteure, ses inspirations et  ses aspirations ? C’est le sujet de cet article… 

Justine Jotham.
Justine Jotham.

Les amoureux de littérature, quel que soit leur âge, se régaleront. Les autres ? Aussi ! Les personnages : tous issus de romans, de pièces de théâtre, de récits très célèbres. Lucida, Ali Baba, Lazarillo, Nemo, Rouletabille, Pangloss, Shéhérazade, Miss Marple, Dr Jekyll, Cyrano de Bergerac, Peter Pan et le Capitaine Crochet… Ils ne se souviennent pas tous du terrible auto dafé de l’hiver 1984 qui a détruit tous les livres. 1984. Clin d’œil évidemment à George Orwell et à son roman de science fiction (paru en 1949…) qui décrit un modèle de société policière et dictatoriale. C’est un peu l’ambiance qui règne dans ce roman de littérature de jeunesse.

Le dernier roman de littérature jeunesse de Justine Jotham (mai 2016)
Le dernier roman de littérature jeunesse de Justine Jotham (mai 2016)

Roman. Et on y trouve un souffle romanesque indéniable. Aventures, secret, mystère à élucider, conciliabule et affrontement du bien contre le mal. Jeunesse. Comme celle qui anime tous les protagonistes de ce récit. Comme celle que veut rétablir Justine Jotham quand elle pense à ce cliché qui a la vie dure, encore, chez la plupart des enfants ou des adolescents. Dépoussiérer la littérature, montrer l’importance de la lecture dans le développement des imaginaires et des personnalités. Démonter ce stéréotype qui veut que la littérature soit une vieille dame poussiéreuse, compliquée et inaccessible.

J’ai découvert la littérature avec la Comtesse de Ségur. Les Malheurs de Sophie. Je me souviens encore de la couverture rose bonbon qui donnait envie de lire. Et puis, j’ai eu un coup de foudre pour la série des Alice. J’adore. Je parcours les brocantes pour reconstituer la collection. Et je me rends compte que c’est de la bonne littérature de jeunesse. Si j’écris, c’est un peu grâce à ma grand-mère… Elle me demandait de lui raconter le livre que j’avais lu avant de me l’emprunter… Raconter, c’est un peu écrire à nouveau…

Simples, les premiers émois. Et ça accroche. Et ça continue. Ça se poursuit. Le grand coup de foudre adolescent de Justine Jotham ?  Un Cœur simple de Flaubert. L’histoire simple d’une vie. Celle de Félicité, jeune fille trahie, servante dévouée qui finit dans la solitude. Pour autant, Félicité n’est pas le prénom d’héroïne de roman que Justine Jotham aurait aimé porter. Non, décidément, c’est Sophie qui lui plaît… Peut-être à cause des malheurs qui l’accompagnent. Des malheurs, Justine en a connus, comme tout le monde. Une personnalité, la sienne, qu’elle qualifie de « marginale » ou « hors normes ». Une santé fragile, qui a blanchi la plupart de ses nuits. Et c’est, pas de hasard dans cette histoire-là, ce goût pour le silence de la nuit, et les plages immenses de solitude qu’elle offre, qui a poussé Justine à écrire. Elle écrit. Toutes les nuits.

Même à Noël. Même en vacances. J’ai mon rituel. Je me lève entre une et deux heures du matin. Et j’écris. Pas à mon bureau. Le bureau, c’est pour travailler. Je préfère le salon. Ou la salle de bains quand je suis à l’hôtel. Et toujours sur l’ordinateur, en général posé sur mes genoux.

Son bureau, elle y est le jour. Pour préparer ses cours à l’IUT de Techniques de Commercialisation. Elle y enseigne la communication et la culture. En fait, là encore elle dépoussière : elle veut amener les jeunes à la culture. À toutes les formes qu’elle revêt : expo, conférences, films, théâtre, musique, danse… Elle veut montrer que la culture est partout et accessible surtout. Son bureau encore, pour préparer les conférences qu’elle donne. Les figures de femmes dans le roman naturaliste. Chez les frères Goncourt notamment. Ses auteurs de thèse et de prédilection. Les peintres de Barbizon. Le XIXème siècle dans sa deuxième moitié, quoi. Dans sa volonté de peindre la société des petits, des bourgeois, des rêves malmenés et des existences exemplaires dans leur simplicité. Elle poursuit son œuvre de démocratisation de la littérature au sein et par l’association qu’elle a créée en 2009 : Les Littœrales. Les interventions nombreuses auprès des jeunes, d’écoles ou de collèges, ou des publics éloignés des livres, organisées par l’asso montrent cette volonté de transmettre le goût et le plaisir de la lecture. Pari fou à l’heure où les images envahissent les vies de promouvoir les mots ? « Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’on croit ». La Rochefoucauld. Cité Pangloss en répartie à Rouletabille. Ou bien encore : « C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. » Dixit le même Pangloss. Pas celui de Voltaire. Celui réinventé par Justine dans Qui veut la peau d’Otto Dafé ?

Justine Jotham "dépoussière" la littérature...
Justine Jotham « dépoussière » la littérature…

Il ne manque que Poil de Carotte et Tartarin de Tarascon dans cette aventure, nous confie l’auteure. Eux aussi auraient eu leur rôle à jouer dans cette lutte pour le rétablissement de la littérature. Elle nous avoue encore que si elle devait sauver trois livres d’un éventuel auto dafé, elle choisirait : Un Cœur simple bien sûr, La Vie devant soi de Romain Gary et L’Amour au temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez. Et vous, quels livres sauveriez-vous du désastre ?

Le site de l’association Les Littœrales : ici.

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images 1 et 3 : photos personnelles de Justine Jotham.

TRISTAN SERA GAVROCHE

60 musiciens, presqu’autant de danseuses, 1 danseur, une cinquantaine de choristes, 10 solistes. Et un grand garçon de tout juste 10 ans, Tristan Spicht, qui tiendra un des rôles principaux : Gavroche. Cosette, Jean Valjean, Fantine, les Thénardier, Gavroche, Marius, Éponine… Vous avez deviné de quelle œuvre on parle ? Les Misérables, bien sûr ! Victor Hugo, évidemment. Tout ce petit monde, fréquentant assidûment l’École Municipale de Musique et de Danse de Coudekerque Branche, répète depuis septembre pour présenter la comédie musicale inspirée de ce monument de la littérature française : Misérables ! Et Tristan sera Gavroche…

Tristan Spicht sera Gavroche.
Tristan Spicht sera Gavroche.

Un regard et un ton déterminés. Qui cachent mal une certaine timidité. Tristan est un enfant comme les autres, ou presque. Il fréquente l’école élémentaire Georges Brassens de Coudekerque Branche, et termine son année de CM2. Il aime bien sa maîtresse, Mme Deram. Ce qu’il préfère à l’école ? Le sport. Il a adoré le cycle consacré à la piscine. C’est même dommage que ce soit si vite fini… Et les arts plastiques aussi. Il a adoré fabriquer des oiseaux, avec de la paille, du bois et autres  matériaux de récupération. Il a eu un coup de foudre pour Claude Monet. Impression Soleil levant, bien sûr. Un enfant comme les autres, donc…

Quoique… Tristan est aussi corniste… depuis trois ans. C’est déjà moins courant. Il suit les cours de Hervé Marescaux, professeur de cor à l’École Municipale de Musique et de Danse de Coudekerque Branche. Il fait donc maintenant partie de l’orchestre de jeunes de l’école. Moins courant encore. Et il a été repéré pour interpréter le rôle de Gavroche, dans le spectacle musical sur lequel les professeurs et les élèves travaillent depuis septembre. Et ça, c’est unique.

Ludovic Minne avait repéré la voix de Tristan. Il en parle à la maman, Amandine. Qui convainc, sans trop de difficulté, un Tristan enthousiaste !

Au début, j’avais le trac quand même. Et puis, dès la première séance de travail avec les danseuses, sur Bonjour Paris, je me suis senti plus à l’aise.

Et Tristan voyage. Beaucoup. D’une répétition à une autre. De l’espace Aragon pour répéter avec les petits du PDI (Parcours de Découverte Instrumentale), à l’Ancienne Mairie pour les répétitions avec l’orchestre. En passant de temps en temps au Maître de Poste. Pour répéter avec les danseuses de Julie Delvart.

Tristan répète avec les petits du PDI, et leur professeur Alain Fenet.
Tristan répète avec les petits du PDI, et leur professeur Alain Fenet.
Alain Fenet accompagnera Tristan et les enfants du PDI pour La Faute à Voltaire...
Alain Fenet accompagnera Tristan et les enfants du PDI pour La Faute à Voltaire…

Il a conscience d’avoir un rôle important. Qu’il travaille avec beaucoup de sérieux et de concentration. Gavroche ? Il l’aime bien.

Il y a encore quelque temps, je ne connaissais rien des Misérables. Je ne connaissais pas l’histoire. Je ne connaissais pas Gavroche. C’est un petit garçon espiègle, qui fait des farces. Il aime bien taquiner les autres. Comme il est pauvre, il est obligé de voler. Et donc, il est poursuivi par les gendarmes.

En effet, on peut dire qu’il connaît bien le personnage qu’il interprète ! Même s’il ne comprend pas encore vraiment pourquoi Hugo en fait un martyre.

C’est vrai, c’est triste que Gavroche meure sur la barriacade. Mais c’est pour nous rappeler que toutes les choses ont une fin, et qu’un jour ou l’autre on doit mourir…

Tristan sera Gavroche.
Tristan sera Gavroche.

Quelle maturité… Pas courant non plus. Un autre personnage le touche : Cosette bien sûr. D’ailleurs, il aurait bien aimé interpréter ce rôle. S’il avait été une fille évidemment !

Elle a de la chance. Le rôle principal, c’est elle. Et puis elle a le temps, que Gavroche n’a pas, car elle vit plus longtemps…

Amandine et Vincent, ses parents, peuvent être fiers… Et ils seront certainement émus en découvrant les qualités de chanteur et d’acteur de Tristan. Et de tous les autres ! Car ils seront nombreux sur la scène de Jean Vilar pour interpréter Misérables !

Tristan, Baptiste, et beaucoup d'autres chanteront Misérables !
Tristan, Baptiste, et beaucoup d’autres chanteront Misérables !

Samedi 18 juin, 18h et dimanche 19 juin, 16h, à l’Espace Jean Vilar de Coudekerque Branche.

Photographies de Amandine Plancke, photographe de la Ville de Coudekerque Branche. Qu’elle en soit remerciée !

LA FETE DES MAIRES…

C’est une fillette très intimidée. C’est un homme très occupé. Elle porte pour l’occasion une jolie robe noire et une veste grise. Lui est en costume, fonction oblige. Elle a bientôt onze ans. Lui en a un peu plus de quarante. Et ils ont deux points communs : ils sont fans de Tintin. Et ils sont maires ! Lui de la commune de Coudekerque Branche. Elle du Conseil Municipal des Jeunes de cette même ville. Cette interview à deux, c’est un peu un jour de fête pour eux. Portraits croisés.

Louise Minne et David Bailleul, devant la fresque "façon Tintin" du bureau de M. le Maire.
Louise Minne et David Bailleul, devant la fresque « façon Tintin » du bureau de M. le Maire.

Elle est en CM2 à l’école Queneau. Lui a fréquenté jadis l’école Millon. Le Vieux Coudekerque. Il a grandi dans ce quartier. Elle, elle aime son quartier de Sainte Germaine. Elle y a ses copines, les ami(e)s de la famille ; ce n’est pas très loin de l’école de musique qu’elle fréquente. Pas très loin non plus de la maison de quartier du Vieux Coudekerque où ont lieu les réunions du CMJ, qu’elle préside en tant que maire. Sous la houlette bienveillante de M. Decreton, qui s’occupe avec beaucoup d’attention de ces jeunes élus. Conseillers municipaux et adjoints en herbe.

En attendant le rendez-vous avec son aîné...
En attendant le rendez-vous avec son aîné…

Lui se souvient de son grand-père. C’est cet homme-là, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, qui lui a transmis le goût de l’engagement. Et les valeurs républicaines. C’est cet homme-là qu’il a en mémoire quand il entre à Sciences Po Lille puis entame des études d’Histoire Politique à Lille III. Il affectionne aussi les engagements de Victor Hugo et de Jules Ferry. L’histoire politique et de la politique, c’est son thème de prédilection. Et puis tout naturellement, il entre au service de la Cité. Celle de Lille, aux côtés de Pierre Mauroy. Autre mentor. Modèle. Grand homme parmi d’autres  grands hommes. Il cite volontiers Gandhi et son idéal de paix. C’est d’ailleurs ce très beau texte du libérateur pacifiste qui est choisi pour illustrer le Parvis des Justes devant la mairie :

Si tu veux la paix dans le monde,
il faut la paix dans ton pays.

Si tu veux la paix dans ton pays,
il faut la paix dans ta région.

Si tu veux la paix dans ta région,
il faut la paix dans ta ville.

Si tu veux la paix dans ta ville,
il faut la paix dans ta rue.

Si tu veux la paix dans ta rue,
il faut la paix dans ta maison. 

Si tu veux la paix dans ta maison,
il faut la paix dans ton cœur.

Elle, elle dévore les récits de La Bibliothèque Rose et de La Bibliothèque Verte. Elle lit aussi ce qui lui tombe sous la main, au hasard des rayonnages de la bibliothèque de la maison : les Fables de La Fontaine ou Le petit Prince de Saint Exupéry. Lui se souvient avoir eu une passion pour les romans de Jules Verne, quand il avait son âge. Les romans d’aventures le transportaient… Et puis un héros de cinéma aussi : Rocky Balboa, alias Sylvester Stallone. Un héros positif… Partir de pas grand-chose, être de condition modeste. Et par le sport, mais surtout par le travail et la volonté, se hisser vers le succès. Et, sur le ring, lever les bras en signe de victoire. Elle, elle a vu pas mal de films d’animation déjà : les mangas japonais, tous les Walt Disney. Elle a adoré les adaptations de Harry Potter. Tiens, un autre point commun : ce magicien né de la plume de J.K. Rolling. D’ailleurs, lui, nous confie un scoop : la Fête de la Flandre et de la Nature, cette année, sera sous le signe de la magie…

C’est une rencontre émouvante, et on n’y parle pas que de souvenirs d’école ou de passions artistiques. On y parle aussi valeurs. Et de politique. Au sens premier, noble, du terme. Être maire, pour elle, c’est s’occuper de la ville, organiser des activités pour les adultes, mais aussi pour les enfants. C’est promouvoir la solidarité, préserver l’environnement, être à l’écoute des gens et des jeunes. Définition qu’il partage complètement. S’occuper d’une ville, c’est la construire, en définir les cadres. Mais ça ne veut rien dire si on ne pense pas à la population qui y vit ! Être maire, c’est s’occuper de ses concitoyens. Petite leçon de vocabulaire pour sa cadette : «les concitoyens, on partage leurs préoccupations». Autre petite leçon quand il s’agit d’évoquer la laïcité. Car elle entend parler souvent d’«école laïque». Sans savoir trop ce que ça veut dire. Monsieur le Maire vient à sa rescousse : ça veut dire que tout le monde peut exercer et vivre sa foi, mais dans la sphère privée. Pour préserver la sérénité du vivre ensemble. La fraternité, elle sait ce que ça signifie : elle a deux petits frères et une grande sœur. Elle veut considérer les autres comme des frères aussi. Lui va plus loin : la fraternité est la condition même de la paix. Dans une ville, dans un pays, dans le monde.  Quant à la liberté, ils partagent l’adage connu que «la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres». Et elle mesure sa chance de vivre dans un pays de libertés : de parole, de presse, d’action. «C’est la base même de la démocratie», renchérit son aîné. La liberté, c’est la possibilité exceptionnelle du choix, et notamment du choix des représentants élus. Nous avons la chance de pouvoir choisir, contrairement à d’autres populations du monde. Et tous les deux d’évoquer Louis XVI, l’«affreux jojo» qui maintenait prisonnière dans des catégories figées la population française de l’Ancien Régime. Mais la liberté induit aussi un devoir : nous sommes responsables des choix que nous formulons, ou pas… Aborder la question de l’égalité, autre valeur de la République défendue par nos deux maires, est difficile : tous deux reconnaissent que l’égalité de tous existe devant la loi. Mais que les inégalités sociales ou de naissance ou de parcours subsistent. Et que l’éternel combat est de les corriger. République. Le mot est lâché. Elle, sait qu’elle vit dans une République, et pressent bien que c’est une chance. Elle en cite d’ailleurs quelques symboles : Marianne, les couleurs du drapeau. Lui, précise que c’est un régime politique qui garantit justement liberté, égalité et fraternité. Et que même si ce n’est pas le régime le plus parfait, en France, on n’a pas trouvé mieux !

Lors de l'élection de la maire du CMJ, en décembre 2015.
Lors de l’élection de la maire du CMJ, en décembre 2015.

L’entretien touche à sa fin… Petit moment de fête pour ces deux-là que seules les années séparent. Fête des maires. Fête des mères. C’est bientôt…. M. le Maire enchaîne les rendez-vous cet après-midi là… Juste le temps d’évoquer rapidement ce moment. Le cadeau pour Martine, sa maman à lui, est déjà acheté. Pour elle, c’est fait aussi… Un au revoir en forme de précepte :

Reste toi-même. Pense toujours que tout ce que tu veux entreprendre est réalisable. Il ne faut pas partir défaitiste : à force de volonté et de travail, on y arrive. Il faut tenter sa chance et y travailler.

Partir de pas grand-chose et lever les bras en signe de victoire, sur le ring de la vie…

Photographies : Le Mag@zoom.

 

LOUISE SERA EPONINE…

60 musiciens, presqu’autant de danseuses, 1 danseur, une cinquantaine de choristes, 10 solistes. Et une grande fille de presque 11 ans, Louise Minne, qui tiendra un des rôles principaux : Éponine. Cosette, Jean Valjean, Fantine, les Thénardier, Gavroche, Marius, Éponine… Vous avez deviné de quelle œuvre on parle ? Les Misérables, bien sûr ! Victor Hugo, évidemment. Tout ce petit monde, fréquentant assidûment l’École Municipale de Musique et de Danse de Coudekerque Branche, répète depuis septembre pour présenter la comédie musicale inspirée de ce monument de la littérature française : Misérables ! Et Louise sera Éponine

Louise Minne en Eponine.
Louise Minne en Eponine.

Éponine… C’est peut-être un des personnages les moins connus et pourtant un des plus émouvants du roman de Victor Hugo. Et du spectacle musical inspiré de l’œuvre du grand homme. Fille des Thénardier, elle est élevée avec la petite Cosette. Dans l’ombre même de l’«Alouette», comme l’appelle Hugo, qui incarne à elle-seule l’enfance bafouée. Éponine ne devient visible dans le récit que bien plus tard, en 1832, à Paris, quand tous les protagonistes se retrouvent sur les barricades. Les années ont passé. Cosette et Éponine ont grandi. Éponine est amoureuse du beau Marius, étudiant idéaliste, membre des amis de l’ABC, un club révolutionnaire. Ils se retrouvent sur la barricade. Mais Marius aime Cosette, qu’il a croisée au jardin du Luxembourg. Trio amoureux tragique. Hugo se souvient de Racine. Et Éponine sacrifie son amour pour permettre à Cosette et à Marius de vivre le leur.

Louise a compris le drame du personnage qu’elle incarne. Voici ce qu’elle en dit :

Éponine, c’est la fille des Thénardier, mais elle n’est pas méchante comme ses parents. C’est la sœur d’Azelma et de Gavroche. Quand elle grandit, elle tombe amoureuse de Marius ; mais lui préfère Cosette ; alors elle se sacrifie pour eux. Elle meurt même sur la barricade en protégeant Marius d’une balle. J’aime beaucoup mon personnage. Il est émouvant. Il est généreux.

Louise interprète Éponine dans trois chansons. Elle intervient aussi dans un autre tableau où elle joue le rôle d’une ouvrière qui fera renvoyer Fantine.

Avec tout ça, je ne sais pas encore si je pourrais jouer avec l’orchestre… Je crois que je ne pourrai pas : je dois changer de costumes ; j’interviens dans plusieurs tableaux…

Car si Louise fréquente l’École Municipale de Musique et de Danse depuis l’âge de 6 ans, c’est pour y apprendre la flûte traversière.

Elena Cilli, c’est ma prof de flûte. Elle est très sympa. Elle m’apprend toujours beaucoup. Elle sera Madame Thénardier dans le spectacle. Elle joue très bien son rôle ! Mon prof de solfège, c’est Cyril Carbonne. Lui, il va jouer dans l’orchestre. D’ailleurs, il dirige un ensemble de clarinettes sur un très beau tableau avec Cosette petite, Une Poupée dans la vitrine. En fait, c’est bien de travailler avec les gens qu’on connaît. Et qu’on aime bien.

Louise dit encore avoir appris à interpréter et à chanter, à écouter les directives d’un metteur en scène, à être synchro avec les danseuses dirigées par Julie Delvart.

Louise sera Eponine.
Louise sera Eponine.

À l’école, Louise aime le français, surtout la littérature, et les arts plastiques. Elle espère que ses deux maîtresses du CM2 de Queneau, Mme Revret et Mme Hamon, viendront la voir. Et ses copines aussi !

Il faut venir écouter, regarder et chanter avec nous la belle comédie musicale Misérables ! Ça vaut le coup !

Misérables ! samedi 18 juin 18h, dimanche 19 juin 16h, espace Jean Vilar à Coudekerque Branche.

Réservations : 06 77 07 40 68

images : photographies prises et confiées par Amandine Plancke, photographe de la ville de Coudekerque Branche. Qu’elle en soit remerciée !

LOLA, BACHIR, GRETEL ET KNUT, ET TOUS LES AUTRES…

Ils sont 14. Le plus jeune a 14 ans, le plus âgé en a 31. Ils sont motivés, joyeux, investis. Parce qu’ils portent sur scène, et parfois pour la première fois, la parole de leurs parents. L’histoire de leur famille. La trajectoire de leurs anciens. La destinée d’une infime part d’humanité. Qui a les visages de toute l’humanité. Ils sont 14. Et ils sont les chaînons marquants des générations X, Y et Z, qui se succèdent, qui migrent, à travers les territoires et les années, riches de leurs mythologies familiales. Pour entendre leur parole, rendez-vous au Palais du Littoral les 19 et 20 mai prochains. Ou ici, comme une avant première…

Affiche du spectacle.
Affiche du spectacle.

Youmni Aboudou, Caroline Desmet, Laure Diacre, Clara Dubuis, Victor Gosset, Lison Graszk, Dine Halifa, Séphora Henni, Anush Kazarian, Nina Lachery, Mehdi Laidouni, Hélène Vanden Bril, Florian Dupré-Degrave et Kalid Bazi sont nés à Grande Synthe, à Saint Pol sur Mer, à Dunkerque ou à Gravelines. Ils sont les acteurs choisis par Brigitte Mounier, Directrice de la Compagnie des Mers du Nord et metteure en scène, pour ce projet européen qui dépasse largement les frontières de l’Europe. Parler des migrations. Simplement. Sans polémique. En s’attachant au vécu des êtres. De septembre à décembre 2015, ces jeunes ont écrit leur histoire. Sont remontés le long de leur arbre généalogique pour explorer les ramifications. Françaises, maghrébines, portugaises, italiennes, polonaises, biélorusses, arméniennes, éthiopiennes, malgaches, comoriennes.

En 2008, 3,1 millions de personnes âgées de 18 à 50 ans, nées en France métropolitaine, sont enfants d’immigrés. La moitié d’entre elles ont moins de 30 ans. 50 % ont deux parents immigrés, 20 % sont descendants d’immigrés uniquement par leur mère et 30 % uniquement par leur père. La moitié des descendants directs ont un parent immigré né en Europe et quatre sur dix sur le continent africain, essentiellement au Maghreb. Les descendants les plus jeunes ont des parents d’origines plus variées et plus lointaines. Les enfants d’immigrés de 18 à 30 ans ont une fois sur deux une ascendance africaine. Près du quart des descendants ayant la nationalité française ont au moins une autre nationalité. Pour la grande majorité des descendants, la langue française a été transmise dans leur enfance par au moins un de leurs parents. À la génération suivante, les descendants devenus eux-mêmes parents parlent français avec leurs enfants vivant en France, dans 99 % des cas. Source : INSEE. Le site : ici.

Youmni, Mehdi, Lison et les autres jeunes acteurs.
Youmni, Mehdi, Lison et les autres jeunes acteurs.

Donner chair aux statistiques. C’est ce qu’avait déjà fait Brigitte Mounier en 2003. Synthe Saga : spectacle qui donnait la parole aux grands-parents et aux parents. Aux pionniers de l’immigration. Parfois à leurs enfants. Encore petite, Lison, qu’on retrouve aujourd’hui, n’avait que 6 ans à l’époque. Kalid était tout jeune aussi. Il en a fait du chemin depuis. Acteur professionnel et réalisateur. Beau parcours au service des arts. Mais ce n’est pas que leur chemin à eux qui est évoqué sur la scène du Palais du Littoral. C’est plutôt la croisée des chemins. Des questionnements. D’où viennent leurs parents et les parents de leurs parents ? Est-ce qu’ils se sentent Français, et qu’est-ce ça signifie pour eux ? Quel regard portent-ils sur les migrants d’aujourd’hui ? Avec leurs mots et leurs sensibilités, ils répondent à ces questions difficiles. Quand on les pose d’ailleurs à la metteure en scène, elle répond avec un sourire dans la voix :

Je suis une Méditerranéenne aux yeux bleus. Être française, pour moi, ce n’est pas seulement me sentir appartenir à un territoire, c’est surtout défendre les valeurs de la République, c’est diffuser et faire rayonner son message d’humanité.

Dire et montrer les origines...
Dire et montrer les origines…

Humanité. C’est ça qui est joué. Et chanté aussi. Et chorégraphié. Brigitte Mounier a fait appel à la remarquable cheffe de chœur  Nadège de Kersabiec : formée à la Maîtrise de Radio France et ayant chanté auprès des plus grands, elle revisite avec les jeunes acteurs des chants traditionnels des régions d’origine et réserve des surprises polyphoniques prometteuses. Thierry Duirat, comédien, musicien et danseur,  s’est chargé de la maîtrise du geste. Entre Tanz Theater et chorégraphie, les corps évoluent avec les mots et les histoires.

Lola, Bachir, Greta, Knut et les autres sont d’ici et d’ailleurs. Et leurs histoires ont engendré d’autres projets en Europe. Le KJT de Dortmund, sous la direction de Andreas Gruhn, travaille parallèlement sur un spectacle du même type. Pour faire entendre la voix des migrants d’Allemagne. C’est la même volonté en Suède et au Portugal. De la volonté, il en faut pour désarçonner les idées reçues et la langue de bois sur ce thème. Générations X, Y et Z, dans toutes les langues, ils sont, comme le dit Brigitte

ceux qui représentent l’avenir, de jeunes gens en construction, ces générations à qui nous allons léguer notre « bazar ».

Bazar ou crise. S’inspirant de l’antifasciste et humaniste Antonio Gramsci, une parole du spectacle accroche la pensée :

Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté.

Ajoutons celle-ci, de ce même intellectuel visionnaire, qui permet de comprendre pourquoi des spectacles de ce type sont plus que nécessaires :

La crise consiste dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Dans ce clair obscur surgissent les monstres.

Pour dompter les monstres, allons écouter la parole joyeuse, colorée et essentielle de Lola, Bachir, Gretel et Knut, jeudi 19 et vendredi 20 mai, à 20h, au Palais du Littoral de Grande Synthe. 03 28 21 66 00.

Le site de la Compagnie des Mers du Nord : ici.

La page Facebook de la Cie des Mers du Nord : là.

Merci à Brigitte Mounier de nous avoir confié les photos des répétitions.

DEUX TRAGEDIES DE L’ESCLAVAGE

10 mai. Depuis le  31 mars 2006, la journée du 10 mai est officiellement reconnue comme « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Un Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage est créé (CNMHE). Il s’agit pour ce Comité de référencer et d’afficher toutes les actions commémoratives. Le but n’est pas de retracer ici l’histoire du commerce triangulaire, de la traite jusqu’à l’abolition, acquise après maints revirements. Voyez plutôt une modeste contribution au « devoir de mémoire ». Pour ne pas oublier ce crime contre l’humanité. Deux œuvres théâtrales qui traitent de la traite…

Statue en Mémoire de l'Esclavage, Robert Ford, Ile de Gorée, Sénégal.
Statue en Mémoire de l’Esclavage, Robert Ford, Ile de Gorée, Sénégal.

TRAGIQUE CÉSAIRE

La Tragédie du Roi Christophe. Aimé Césaire. 1964. On est à l’époque en pleine décolonisation. Et cette pièce contre les tyrannies, toutes les tyrannies, semble dirigée à la fois contre l’esclavage en Haïti au début du XIXème siècle (elle s’inscrit dans ce contexte historique) et aussi contre l’Europe colonisatrice qui perd peu à peu de son hégémonie dans les années 1960. Cette pièce raconte la lutte du peuple haïtien pour la liberté. Elle raconte aussi l’irrésistible chute de Henri Christophe, ancien esclave, dans la démesure et la mégalomanie. Lui, le héros de la révolte des esclaves, compagnon de lutte de Toussaint Louverture, est nommé Président à vie en 1807, puis roi. C’est ce que Aimé Césaire raconte. À l’esclavage succède un autre esclavage. Le tyran blanc laisse la place à un tyran noir. Comment concilier les lourds héritages de l’esclavage, de la décolonisation et des racines africaines ? Laissons parler la poésie du texte de Césaire. Écoutons ce que Madame Christophe reproche à son époux :

Christophe, à vouloir poser la toiture d’une case, sur une autre case, elle tombe dedans ou se trouve grande ! Christophe ne demande pas trop aux hommes et à toi-même, pas trop ! Et puis je suis une mère et quand parfois je te vois emporté sur le cheval de ton cœur fougueux, le mien à moi, trébuche et je me dis : pourvu qu’un jour on ne mesure pas au malheur des enfants la démesure du père. Nos enfants, Christophe, songe à nos enfants. Mon Dieu ! Comment tout cela finira-t-il ?

Et voilà ce que répond Henri Christophe :

Je demande trop aux hommes ! Mais pas assez aux nègres, Madame ! S’il y a une chose qui, autant que les propos des esclavagistes, m’irrite, c’est d’entendre nos philanthropes clamer, dans le meilleur esprit sans doute, que tous les hommes sont des hommes et qu’il n’y a ni Blancs ni Noirs. C’est penser à son aise, et hors du monde, Madame. Tous les hommes ont mêmes droits. J’y souscris. Mais du commun lot, il en est qui ont plus de devoirs que d’autres. Là est l’inégalité. Une inégalité de sommations, comprenez-vous ? A qui fera-t-on croire que tous les hommes, je dis tous, sans privilège, sans particulière exonération, ont connu la déportation, la traite, l’esclavage, le collectif ravalement à la bête, le total outrage, la vaste insulte, que tous, ils ont reçu plaqué sur le corps, au visage, l’omni-niant crachat ! Nous seuls, Madame, vous m’entendez, nous seuls, les nègres ! Alors, au fond de la fosse ! C’est bien ainsi que je l’entends. Au plus bas de la fosse. C’est là que nous crions ; de là que nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil. Et si nous voulons remonter, voyez comme s’imposent à nous, le pied qui s’arcboute, le muscle qui se tend, les dents qui se serrent, la tête, oh ! la tête large et froide ! Et voilà pourquoi il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres : plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! C’est d’une remontée jamais vue que je parle, Messieurs, et malheur à celui dont le pied flanche !

Et Césaire encore : Savez-vous pourquoi il travaille jour et nuit ? Savez-vous, ces lubies féroces, comme vous dîtes, ce travail forcené… C’est pour que désormais il n’y ait plus de par le monde une jeune fille noire qui ait honte de sa peau et trouve dans sa couleur un obstacle à la réalisation des vœux de son cœur.

D’UNE TRAGÉDIE À L’AUTRE

La Mission, Souvenir d’une révolution. Heiner Muller. Magnifique, encore. Parue en 1979. Jouée pour la première en France en 1982. Le contexte historique de l’action : la première tentative d’abolition de l’esclavage aux Antilles après la Révolution Française. Cela commence avec la révolte des esclaves de Saint Domingue en 1791. En février 1794, l’abolition est proclamée dans toutes les colonies françaises. C’est Bonaparte, Napoléon Ier, qui rétablit l’esclavage, sous la pression des « lobbies économiques » de l’époque, en 1802. La Mission rejoue ces soubresauts, cette lutte sanglante entre Blancs et Noirs. Et c’est le personnage de Sasportas qui porte la voix noire de la révolte dans cette tragédie :

J’ai dit que les esclaves n’ont pas de patrie. Ce n’est pas vrai. La patrie des esclaves est le soulèvement. Je vais au combat, armé des humiliations de ma vie. (…) Les morts combattront quand les vivants ne pourront plus. Chaque battement de cœur de la révolution fera de nouveau croître de la chair sur leurs os, du sang dans leurs veines, de la vie dans leur mort. Le soulèvement des morts sera la guerre des paysages, nos armes les forêts, les montagnes, les mers, les déserts du monde. Je serai forêt, montagne, mer, désert. Moi, c’est l’Afrique. Moi, c’est l’Asie. Les deux Amériques, c’est moi.

Cette tragédie contemporaine met en garde, elle aussi, contre les mirages de la liberté. Contre les tyrannies qui prennent la place d’autres tyrannies. Contre ces libérateurs qui se révèlent dictateurs.

La révolution n’a plus de patrie, ce n’est pas nouveau sous le soleil qui ne brillera peut-être jamais sous une nouvelle terre, l’esclavage a de multiples visages, nous n’avons pas encore vu le dernier (…) ce que nous avons pris pour l’aurore de la liberté n’était peut-être qu’un nouvel esclavage plus effroyable (…) et ta bien-aimée inconnue, la liberté, quand ses masques seront usés, peut-être n’aura-t-elle pas d’autre visage que la trahison.

La Tragédie du Roi Christophe, Aimé Césaire. La Mission, Heiner Müller. Deux pièces à voir, à revoir, à lire, à relire. Deux tragédies sur l’esclavage. Deux tragédies de la négritude. Deux poings d’interrogation sur la liberté et sur l’humaine condition.

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LES ENFANTS DU BOLERO

1 seul mouvement. 340 mesures. 19 sections. Une unique cellule rythmique de 2 mesures, sur laquelle viennent se greffer 2 mélodies de 16 mesures chacune. Un thème A. Un contre-thème B. 12 mn pour la version la plus courte. 18 mn pour la plus longue. Des violons. Beaucoup. 1 harpe. 1 piccolo. 2 flûtes. 2 hautbois. 1 cor anglais. 3 clarinettes. 2 bassons. 1 contre basson. 2 saxophones. 4 trompettes. 3 trombones. 1 tuba. 2 tambours. 3 timbales. 1 grosse caisse. 2 cymbales. 1 tamtam. 1 célesta. Instruments qui s’ajoutent de manière progressive. Et LA  caisse claire qui tient LE rythme tout au long de la partition. Et ça donne un morceau mondialement connu. Que tout le monde connaît. Que tout le monde sifflotte. Que beaucoup ont réorchestré. Quelques uns des enfants du Boléro de Ravel dans cet article.

Thème A du Boléro. Partie de flûte.
Thème A du Boléro. Partie de flûte.

Le musicologue Émile Vuillermoz affirme, à propos de l’une de ces dernières œuvres de Ravel :

L’homme de la rue se donne la satisfaction de siffler les premières mesures du Boléro, mais bien peu de musiciens professionnels sont capables de reproduire de mémoire, sans une faute de solfège, la phrase entière qui obéit à de sournoises et savantes coquetteries.

LA GENÈSE

Ravel répond à une commande de son amie Ida Rubinstein, danseuse russe, qui voulait « un ballet de caractère espagnol ». Sur une chorégraphie de Bronislava Nijinska, le Boléro est créé le 22 novembre 1928 à l’Opéra Garnier. En 1930, Ravel arrange une version pour orchestre. Œuvre testamentaire (Ravel meurt en 1937), elle sera jouée d’abord dans les capitales européennes. La partition originale, 31 pages manuscrites au crayon, est propriété de l’État Français depuis 1992 et est conservée à la Bibliothèque Nationale de France.

LA LÉGENDE

Jamais musique n’a été reprise autant et de façons si diverses. Si Ravel n’a pas eu d’enfants naturels, ses fils spirituels sont légion… Voici quelques unes des plus belles adaptations du Boléro.

Frank Zappa, guitariste, compositeur américain, propose une  version reggae du Boléro de Ravel, sortie en 1991 sur l’album The Best Band You Never Heard In Your Life :

 

Jean Félix Lalanne, immense guitariste, compose et joue une version du Boléro pour… une seule guitare ! Époustouflant !

Le chœur basque Oldarra, créé en 1945, composé de voix masculines, a sa version… « virile » :

Jacques Loussier, pianiste, compositeur français, spécialiste de Bach, propose une version légèrement jazzy du Boléro en 1999 :

 

Le chanteur et compositeur souriant de Don’t worry, be happy, Bobby McFerrin, propose sa version, plutôt joyeuse, du Boléro, pour un chanteur et un public :

 

Tout le monde se souvient de la fin grandiose du film de Claude Lelouch, Les Uns et les autres. 1979. Maurice Béjart. Jorge Donn. Un régal…

https://www.youtube.com/watch?v=tqeImVIVbmU

Et enfin, une version exotique, magnifique, africaine…  Angelique Kidjo :

 

Ravel a dit : « Je dois dire que le Boléro est rarement dirigé comme je pense qu’il devrait l’être.» C’est vrai qu’on reconnaissait à ce compositeur rigoureux cette exigence du tempo. Gageons qu’il aurait quand même apprécié toutes ces versions de son BoléroComme autant d’hommages à la simplicité de sa magistrale partition. Et les artistes savent que « simplicité » n’est pas synonyme de « facilité »…

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LEA DANSE POUR LES MISERABLES …

Elle a bientôt 16 ans. Elle a cette éternelle beauté de la jeunesse et de la discipline que s’imposent les danseurs. Et quand elle danse, elle en impose par sa présence. Cette année, Léa DeVille répète d’arrache pied, avec ses camarades de l’École Municipale de Musique et de Danse, les chorégraphies du spectacle Misérables ! Rendez-vous en juin prochain à Coudekerque Branche pour la découvrir sur la scène de Jean Vilar. Ou ici, et maintenant, à travers ce portrait…

Léa DeVille
Léa DeVille

Comme la plupart des filles de son âge, Léa a des copines. Va voir des films au cinéma. Pour se distraire. Passer des bons moments. Comme la plupart des filles de son âge, elle craque sur Dirty Dancing et rêve de s’envoler comme Jennifer Grey dans les bras d’un Patrick Swayze. Comme la plupart des filles de son âge, Léa chante et danse sur Rihanna. Sur Beyoncé aussi. Mais pas comme la plupart des filles de son âge… Car Léa danse. Bien. Vraiment bien. Elle sait danser. La danse, c’est sa vie. À quatre ans, elle faisait ses premiers pas au cours de danse classique de Julie Delvart, professeure et chorégraphe à l’École Municipale de Danse de Coudekerque Branche. Julie ? Voilà ce qu’elle en dit :

Julie m’a tout appris. C’est comme une deuxième maman pour moi. Ou comme une grande sœur. Elle est adorable. Elle sait ce qu’elle veut. Il y a beaucoup de complicité entre elle et nous, ses « filles » comme elle nous appelle. Mon apprentissage, c’est à Julie que je le dois. Et depuis 12 ans qu’elle me fait travailler et danser, mon parcours suit une belle évolution.

Julie Delvart, chorégraphe (à gauche) et quelques danseuses, lors d'une répétition de Misérables !
Julie Delvart, chorégraphe (à gauche) et quelques danseuses, lors d’une répétition de Misérables !

Et Julie a emmené Léa jusqu’à une 3ème place à un concours régional de danse, l’année dernière, organisé par la ville d’Anzin. Julie a permis à Léa de découvrir d’autres pratiques en la mettant en relation avec d’autres danseurs, d’autres horizons, d’autres gestes. Le Contemporain. Le Modern Jazz. Le mélange de toutes ces danses aussi. Inès Vandamme, que Léa découvre lors d’un stage,  devient une icône, un modèle à suivre. Et on peut comprendre l’engouement de notre jeune danseuse pour cette étoile du Nord qui côtoie les plus grands artistes sur toutes les scènes :

https://www.youtube.com/watch?v=18FOAmyRLU8

Une autre idole ? Yanis Marshall qui danse avec des talons, mieux que certaines filles !

 Voilà l’univers dansé de Léa. Ce qui la fait s’échapper un peu des exigences du lycée. Elle sera bientôt en 1ère STSS au lycée Angellier de Dunkerque. Elle aime beaucoup les cours de français de M. Maillet. Et elle adore son cours d’Art Danse avec Mme Annequin. Évidemment. Ce qu’elle y apprécie ? Une certaine liberté.

Notre professeure nous donne un thème, et nous devons proposer une chorégraphie. En fonction des bases que nous avons et/ou qu’elle nous enseigne. J’adore travailler de cette façon. Je travaille toujours avec la même copine. Elle, c’est le contemporain. Moi, le classique. À nous deux on crée forcément quelque chose d’original…

Bizarrement, l’idée de participer cette année, non pas à un gala comme d’habitude, mais à une comédie musicale ne l’a pas emballée…

J’ai fait ma petite peste ! J’avais peur qu’on n’ait pas assez de place sur scène pour nous exprimer. Et puis, Les Misérables, ça faisait vieux livre poussiéreux et spectacle poussif. Quand Julie nous a fait écouter les premières musiques et nous a montré les choré, j’ai complètement changé d’avis. Et puis, c’est un beau défi de raconter une belle histoire, avec des chanteurs et un vrai orchestre. Même si ça chamboule un peu nos repères. Mais finalement je suis très contente.

Quand on demande à Léa quel rôle elle aurait aimé interpréter, elle répond sans hésitation :

Fantine. J’adore ce rôle. Il me parle vraiment. Cette femme, qui se bat pour sa fille, Cosette. Qui connaît tellement d’épreuves et qui se relève… je me reconnais un peu… Mais bon, je préfère danser que chanter !

Nul doute que sa première fan à elle, sa mamie Viviane, et son papa, Stéphane, seront fiers de voir cette belle jeune fille danser avec assurance et grâce sur Dans ma vie ou Mon histoire.

Léa, au premier plan, lors d'un gala de danse classique.
Léa, au premier plan, lors d’un gala de danse classique.

Et vous ? Rendez-vous samedi 18 juin à 18h et dimanche 19 juin à 16h, à la salle Jean Vilar de Coudekerque Branche, pour voir danser Léa et tous les autres Misérables !

Autre rendez-vous : mercredi 15 juin à 18h30, gala de danse classique, à Jean Vilar.

images 1 et 3 : photographies  personnelles de Léa DeVille.

image 2 : photographie réalisée par Amandine Plancke, photographe de la ville de Coudekerque Branche.

Qu’elles en soient remerciées toutes les deux !