LUNDI 12 OCTOBRE 2015 à 19H30, le Studio 43 organise une rencontre ayant pour thème : Jeunes et Justice. Une occasion pour ces jeunes de la P.J.J., aux parcours difficiles, de présenter les courts métrages qu’ils ont réalisés avec l’aide de l’association KOAN. Une occasion pour le public de voir ou de revoir le film d’Emmanuelle Bercot La Tête haute, réalisé en partie à Dunkerque. Une occasion de réfléchir aux responsabilités des parents et des institutions de notre pays face à la dérive de ces jeunes. Zoom sur le film et l’événement.
UNE MÈRE ENFANT
On ne peut que saluer la performance d’actrice de Sara Forestier. Elle incarne Sèverine, une femme enfant, une mère irresponsable, une adulte qui n’a pas su grandir. La première scène du film est parlante. Dans le bureau de la juge, alias Catherine Deneuve, on comprend tout de suite les erreurs commises par cette mère. Jambes écartées, un bébé qui pleure sur les bras qu’elle n’arrive pas à calmer tant elle le secoue et lui crie dessus. Propos vulgaires. Elle apparaît à bout. Elle ne sait plus comment élever Malony, le héros du film, qui n’a alors que 5 ou 6 ans (interprété par le petit Enzo Trouillet… craquant ! ). Elle le rejette par des paroles blessantes. Elle ne sait plus quoi faire de lui. Il est ingérable. «C’est un boulet pour tout le monde, ce gosse». Il est comme son père. Qui est mort peu de temps auparavant… Tout ça devant son petit garçon bien sûr. Elle pleure. Elle crie. Elle craque. Elle déborde. Elle finit par déposer un sac avec les affaires de Malony sur le bureau de la juge en déclarant qu’elle ne veut plus s’en occuper. Un placement en famille d’accueil est décidé. Le regard du petit garçon est plein d’incompréhension. Déchirant. On la retrouve quelques années plus tard, dans une voiture volée, que conduit, dangereusement, Malony. La mère et le petit frère hilares à l’arrière. On a compris. Sa relation au Malony devenu ado, alias Rod Paradot, est ambiguë : copine, confidente. Quand elle est veut endosser son rôle de mère, elle est violente : elle le frappe, lui crache dessus. À d’autres moments, on a l’impression, par son irresponsabilité (elle refuse d’aller chercher le petit frère à l’école déclarant qu’il va bien savoir se débrouiller), qu’elle est la « fille » de son fils. Irresponsabilité. C’est le mot. Elle ne sait pas où est Malony, ce qu’il fait. Elle fume des joints devant son petit dernier et s’étonne ensuite qu’il soit placé. En même temps, elle ressent de l’amour pour ses enfants qu’elle veut réunir à Noël… On pense à ce très beau, et très dur, film de Maïwenn, Polisse, sorti en 2011. «C’est difficile d’élever un enfant. Un enfant, c’est pas un jouet». Ces paroles qu’elle prononce vers la fin du film paraissent cyniques, en tout cas déplacées. Manque total de recul. Aucune prise de conscience. Sara Forestier incarne une mère irresponsable comme on peut en croiser parfois… La ressemblance est criante de vérité…
DES INSTITUTIONS AVEUGLES ET SOURDES
Face à cette irresponsabilité parentale, deux institutions. L’École d’abord. Elle exclut. Purement et simplement. Et puis quand Malony présente à une principale de collège sa lettre de motivation (qu’il a eu bien du mal à rédiger, lui qui ne sait même pas tenir correctement un stylo entre ses doigts !), elle ne voit que les exclusions précédentes et prévient qu’elle n’a «pas assez de personnel de surveillance pour faire la police». Pas mal comme prise de contact avec ce jeune qui tente une repentance… Institution prédominante du film : la Justice. Incarnée par Catherine Deneuve, juge des enfants. Froide, distante, dont le discours reste souvent inaccessible. Curieusement, une certaine « sympathie » se dégage de sa personnalité. Et une réelle affection se noue entre elle et Malony, qu’elle « suit » pendant plus de dix ans… La froideur de la Justice s’incarne aussi dans la personnalité du jeune procureur, alias Martin Loizillon. CEF, MDE, EPM, PJJ. Mesures éducatives. Mesures de réparation. Jargon judiciaire jargonnant. Rappels à la Loi. Discours qui tournent à vide, tout le temps. À aucun moment, quelqu’un ne pense à dire tout simplement à la mère comment il faut faire, comment il faut s’y prendre. Personne ne pense à demander à Malony ce qu’il veut, de quoi il souffre, s’il est heureux, ce qui le rend malheureux. Non ingérence dans l’exercice de l’autorité parentale, aussi défectueux, et dramatique dans ses conséquences, soit-il ? Que faut-il faire et dire ? A t-on le droit de rappeler aux parents comment on éduque un enfant ?
UN PEU D’AMOUR
De l’amour, il y en a dans ce film. Heureusement. De la part de Benoît Magimel, qui joue le rôle de Yann, l’éducateur qui suit Malony. De la part de sa mère, même s’il est « surprenant ». On pense à Mommy, de Xavier Dolan, sorti il y a quelques mois. De la part de quelques acteurs sociaux ou judiciaires qui traversent le film. Comme cette infirmière qui propose un massage au jeune garçon, lors d’une séance d’«estime de soi». De la part de Tess, alias Diane Rouxel, la petite amie. Attention douce, gestes affectueux, sympathie. Ce qui manque finalement cruellement à ce jeune homme catalogué « délinquant ». Amour qu’il semble trouver dans son tout nouveau rôle de père. À la fin du film. Père à 18 ans… Espoir ? Ou promesse d’une répétition du drame de la parentalité non assumée ? Emmanuelle Bercot n’apporte pas de réponse. La question reste ouverte. Elle sera certainement débattue après la projection du film et des courts métrages réalisés par ces jeunes qui vivent le parcours de Malony.
Studio 43 de Dunkerque. Lundi 12 octobre 2015, 19h30. En présence du réalisateur des courts métrages et des jeunes participant au projet. Tarif unique : 5€.
site de l’association KOAN : ici.
[…] Un indice : là. […]
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[…] Il s’agit d’Emmanuelle Bercot. Souvenez-vous, à l’époque, une réplique, hors film, de Catherine Deneuve avait affolé les Dunkerquois et la toile. Et beaucoup avaient boycotté ce film, alors qu’il est d’une vérité et d’une justesse criantes. Sara Forestier et Rod Paradot portent des personnages attachants. Lui, en adolescent rejeté par sa mère, par l’école, par la société. Elle, en mère irresponsable et immature. Notre article sur ce film qui remet en cause les rouages de l’administration face à la détresse humaine : là. […]
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