Samedi 26 avril 1986. Il y a 30 ans… Le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl explose, libérant dans l’air un nuage radioactif. Tchernobyl, 100 000 habitants. Ukraine. Voisine de Pripiat. Distante d’une centaine de kilomètres de la capitale Kiev. Samedi 26 avril 1986 : le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl explose, libérant dans l’air un nuage radioactif. 400 fois plus puissant que la bombe qui a meurtri Hiroshima. Retour sur la catastrophe.
UNE TRAGÉDIE NUCLÉAIRE

Ce que nous appelons la centrale de Tchernobyl, est une centrale nucléaire, qui porte le nom de Lénine, installée au bord de la rivière Pripiat, à 15 km environ de la ville de Tchernobyl. Construite entre 1977 et 1983, elle est, à l’époque, l’un des fleurons de l’industrie nucléaire soviétique. Le 26 avril 1986, à 1h23, le réacteur 4 surchauffe et explose. Les pompiers de Pripiat sont appelés en urgence. On leur cache l’origine de l’«incendie» qu’ils sont censés éteindre. Ils ne sont pas protégés contre la radioactivité. Tous mourront dans les 15 jours qui suivront l’intervention. Cette anecdote tragique liée à la catastrophe, c’est Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de Littérature 2015, qui la rapporte, entre autres nombreux récits de témoins, et de survivants, dans un ouvrage bouleversant : La Supplication.
« Ferme les lucarnes et recouche-toi. Il y a un incendie à la centrale. Je serai vite de retour. » Je n’ai pas vu l’explosion… Rien que la flamme. Tout semblait luire… Tout le ciel… Une flamme haute. De la suie. Une horrible chaleur. Et il ne revenait toujours pas. [C’est la femme d’un pompier qui témoigne.] Ils étaient partis comme ils étaient, en chemise, sans leurs tenues en prélart. Personne ne les avait prévenus. On les avait appelés comme pour un incendie ordinaire.
Plusieurs fois dans son récit, recueilli par Svetlana Alexievitch, cette jeune femme répète : « Personne ne parlait de radiation… » Les militaires qui envahissent très vite Pripiat et Tchernobyl, qui encerclent et ferment la zone, portent tous des masques. La population, elle, continue à se promener, à vivre, comme si rien d’anormal ne s’était produit. On se demande comment, et surtout pourquoi, les autorités soviétiques, tardent à évacuer et à informer l’opinion publique. Ce petit film : édifiant, sur les heures qui précèdent et suivent immédiatement la catastrophe …
Il changeait : chaque jour, je rencontrais un être différent… Les brûlures remontaient à la surface… Dans la bouche, sur la langue, les joues… D’abord, ce ne furent que de petits chancres, puis ils s’élargirent… La muqueuse se décollait par couches… (…) « Vous ne devez pas oublier que ce n’est plus votre mari, l’homme aimé, qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. » (…) La peau des bras et des jambes se fissurait.. Tout le corps se couvrait d’ampoules… Quand il remuait la tête, des touffes de cheveux restaient collées sur l’oreiller.
15 jours. Pour « disparaître ». Par morceaux. Par lambeaux. 4 000 personnes selon l’Organisation Mondiale de la Santé, sont mortes dans les jours qui suivent la catastrophe. Greenpeace estime que 200 000 personnes contracteront ou ont contracté depuis, un cancer…
[Tchernobyl]. Pour la petite Biélorussie de dix millions d’habitants, il s’agissait d’un désastre à l’échelle nationale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur la terre biélorusse, les nazis avaient détruit 619 villages et exterminé leur population. A la suite de Tchernobyl, le pays en perdit 485. Soixante-dix d’entre eux sont enterrés pour toujours. La guerre tua un Biélorusse sur quatre ; aujourd’hui, un sur cinq vit dans une région contaminée. Cela concerne 2,1 millions de personnes, dont sept cent mille enfants. Les radiations constituent la principale source de déficit démographique.
UNE TRAGÉDIE SANITAIRE

Et ailleurs ? Dans le reste du monde ? Le nuage ne s’est pas « arrêté à la frontière », comme les journalistes, et certains scientifiques, le martelaient à l’époque. Encore une fois : pourquoi cette désinformation ? Plusieurs semaines plus tard, le président Gorbatchev circonscrit une zone de 30 kms autour de la centrale. La plupart des personnes déplacées avaient déjà été contaminées dans un rayon de 300 kms autour de Tchernobyl… Et le nuage continuait à se déplacer, au gré des vents, dans le monde entier : Biélorussie, Scandinavie, Luxembourg, Belgique, France… Pays Bas, Écosse, Corse, Grèce, Turquie, Tunisie… Finalement, en quelques semaines, le nuage enveloppe tout l’hémisphère Nord. On retrouve des traces de radioactivité à … Hiroshima, située à 7000 kms de Tchernobyl. Cancers de la thyroïde, autres cancers liés à un dysfonctionnement de la thyroïde, malformations congénitales, stérilité… Les conséquences sur la santé sont multiples et ne s’arrêtent pas, elles non plus, « à la frontière ».

Ci-dessous, des extraits d’un document publié en 2006, pour les 20 ans de la catastrophe, par la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), qui met en lumière l’entreprise de propagande et de désinformation de l’AIEA suite à la catastrophe. La totalité du document est à lire ici.
Dès le mois d’août 1986, l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) organisait, à son siège de Vienne, une conférence internationale consacrée à l’accident, à ses causes et à ses conséquences. Plus d’une centaine de journalistes étaient présents mais ils n’eurent droit qu’aux conférences de presse : les discussions sensibles eurent lieu à huis-clos. La délégation soviétique avait préparé un rapport détaillé présentant notamment une estimation des conséquences sanitaires de l’accident. Le nombre de cancers mortels radio-induits était évalué à environ 44 000, un chiffre a minima qui ne prenait pas en compte tous les radionucléides et qui se basait sur les facteurs de risque cancérigène de la CIPR 26 qui allait peu après être revus à la hausse (…) La propagande de l’AIEA : Après avoir lu le chapitre “maladies de la thyroïde” dans le rapport OMS, on est plus inquiet que rassuré sur le nombre et le sort des victimes. On est bien loin du bilan vanté et vendu par l’AIEA dans les conférences de presse organisées à Londres, Vienne, Washington et Tokyo. L’objectif de l’Agence n’est pas de fournir au public des informations vérifiées qui lui permettent de réfléchir sur une question difficile mais de le convaincre de tourner la page de Tchernobyl. (…) Des enjeux élevés : Si les incertitudes sur la nature et le niveau des risques sont élevées, il est difficile de demander aux populations de vivre normalement en zone contaminée. Si au contraire, on déclare disposer de réponses définitives, démontrant l’absence de problèmes autres que psychologiques, il n’y a plus aucune raison de ne pas s’engager dans le repeuplement des zones polluées. Le concept de développement durable en zone contaminée, mis au point par le lobby nucléaire français, a un riche avenir devant lui. Ce n’est pas par hasard s’il est au cœur de la stratégie de l’AIEA. Au delà de Tchernobyl, c’est une gestion à moindre coût des prochains accidents qui se met en place. Si le risque radiologique est faible et que les évacuations sont au contraire très traumatisantes, il vaudra mieux laisser sur place les prochaines victimes de pollutions. Ça tombe bien, ça coûte aussi moins cher…

Depuis, il y a eu Fukushima. Voir notre précédent article à ce sujet : là. Depuis, les gouvernements tergiversent encore sur l’utilité de l’énergie nucléaire. Alors que l’éolien, ou d’autres énergies renouvelables ont montré leur efficacité… À moins que ce ne soit un autre lobby que celui de l’énergie qui entretienne cette « bombe » à retardement : celui de l’armement…