ET SI C’ ETAIT VOUS…?

C’est l’histoire d’une famille déchirée entre la France et l’Afghanistan. C’est l’histoire de Caroline, professeure d’anglais dans un collège du dunkerquois, qui se démène depuis plus de 6 mois, pour rassembler cette famille.  De courriers sans réponse en coups de fil vains, de paperasseries kafkaïennes en dossiers ubuesques, de l’espoir au désarroi, par lassitude, elle a envoyé la lettre qui suit au Président de la République, à l’OFPRA, aux tribunaux de Nantes et de Paris et à l’ambassade de France à Kaboul :

Mesdames, Messieurs

En 2010, monsieur x est parti, à contre cœur d’Afghanistan, de sa région du Nangarhar, près de Jalalabad, pour trouver refuge en France. Le voyage étant dangereux et ne sachant pas dans quelles conditions il allait vivre, sa femme et ses enfants sont restés sur place.

Après de longues démarches administratives, il a obtenu refuge en France et a décidé, malgré la barrière de la langue, de monter des dossiers de réunification familiale (une procédure normale puisque toute personne qui obtient l’asile en France y a droit).

Du fait de la barrière de la langue (Monsieur parle pachtoune. Non, pas le pakistanais comme l’a dit la « dame qui ne finit pas ses phrases et parle vite » de l’OFPRA.), Monsieur X a demandé de l’aide à des tiers plus ou moins bienveillants qui lui ont conseillé de faire des dossiers séparés pour ses filles et ses garçons et ont fait des erreurs d’orthographe sur les prénoms.

En septembre 2015, les deux fils et leur maman Y sont arrivés en France …  sans les petites qui sont restées chez une voisine.

Pendant un an, la pauvre Y pleurait de ne pas avoir pu emmener ses filles, et malgré tout l’amour qu’elle porte à ses fils, elle  a préféré rejoindre ses 4 jeunes filles en septembre 2016, pensant qu’au moins ses fils étaient en sécurité avec leur père en France. Elle a donné naissance à BB le 16 décembre 2016.

Depuis 7 ans, un père n’a pas revu ses filles.
Depuis un an et demi, deux frères n’ont pas revu leurs sœurs.
Depuis 6 mois, deux fils pleurent de savoir leur mère à 7000 km de chez eux.
BB a 3 mois et fait ses premiers sourires loin de son papa et de ses frères.
Depuis un an et demi, des enfants sont inscrites à l’école républicaine mais sont coincées dans une région que l’armée afghane ne maîtrise pas, sur laquelle les talibans et Daesh règnent…

Présence des Talibans en Afghanistan.
Daesh est présent en Afghanistan, se « disputant » régions et population avec les Talibans…

Depuis octobre 2016, moi, simple professeure d’anglais dans le collège où sont scolarisés les garçons, je les aide dans les démarches, et malgré mon attachement à mon pays, j’ai honte…

Honte de voir que les frontières sont en fait des procédures administratives compliquées, malveillantes et ubuesques.

Honte de constater que deux adolescents qui ont appris le français en moins d’un an, qui sont consciencieux et aiment la France, ne dorment plus, se cachent pour pleurer car ils ont peur pour leur famille, peur de ne plus revoir ni leurs sœurs ni leur maman.

Peut-on en vouloir à cette maman d’être repartie car elle était morte d’inquiétude pour ses enfants ? Non, clairement non. Liberté, Egalité, Fraternité…ce mot n’a donc aucune valeur chez nous?

Il a fallu attendre notre déplacement à l’OFPRA le 22 décembre 2016 pour apprendre que le premier dossier avait été rejeté car mal monté…Depuis 2 mois que je téléphonais, on nous répondait (quand quelqu’un daignait décrocher) que le dossier était en cours d’instruction, ou qu’il avait été transféré au tribunal, ou qu’il allait l’être.
La personne qui nous a reçus nous a conseillé de refaire un dossier suite à la naissance de la petite BB et de déposer un recours auprès du tribunal de Nantes.

Or, suite à un entretien avec un avocat, il apparaît que le tribunal de Nantes ne peut être sollicité qu’après un refus notifié de l’OFPRA. Pourtant, il a fallu que nous appelions 10 fois en 15 jours pour enfin obtenir une information sur le dossier, juste pour nous dire qu’après l’envoi de dossier du 23 décembre, il a été porté à l’étude le 11 janvier.
Il a fallu la gentillesse de monsieur Caremelle pour apprendre par un simple mail de monsieur Brice qu’il nous fallait déposer un recours auprès du tribunal de Nantes…

Bref, aucune information n’est cohérente…

Il est écrit dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant que tout enfant a droit à la sécurité, à l’instruction et à sa famille.

Il est écrit dans la loi française que toute personne réfugiée en France a droit de faire venir sa famille en entier.

Alors certes, Monsieur X a fait une erreur et a déposé deux dossiers différents suite à de mauvais conseils. Mais vous, derrière vos écrans, imaginez que vous arriviez seul dans un pays dont vous ne connaissez pas la langue, ni la culture, auriez-vous fait mieux ?

Engager un avocat coûte cher. L’aide juridique ne s’applique pas pour ce genre d’affaire.

Pendant ce temps là, les filles sont en danger dans une zone officiellement en guerre.

Alors donc, j’en appelle à vous tous qui ne nous répondez pas de façon cohérente…ON FAIT QUOI ? On attend ? Et si le chemin des bombes qui tombent sur Jalalabad en ce moment croisent le chemin des filles, on fait quoi ? On se dira qu’on n’y peut rien ?

C’est quoi ces méthodes ubuesques ? C’est quoi cette gestion de l’humain ? C’est quoi cet outrage aux droits de 4 petites filles Afghanes? Attendons-nous que la fille aînée se fasse kidnapper et soit mariée de force sans que son père ne puisse réagir ?

Voilà…moi je ne sais plus, mais j’ai honte pour vous qui êtes si sûrs de bien faire parce que vous êtes coincés dans vos procédures.

Pour relire la lettre écrite par M…, fils aîné, et l’article que nous lui avions consacré en décembre dernier, c’est ici.

Les jeunes enfants afghans n’ont jamais connu la paix…

Un réfugié – au sens de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés – est une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle et qui craint avec raison d’être persécutée du fait de son appartenance communautaire, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de la dite crainte.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR ou HCR dans l’espace francophone) a pour but de défendre les droits et la sécurité des réfugiés et des demandeurs d’asile. Cette organisation onusienne estime que, en 2015, il y avait 16,1 millions réfugiés dans le monde. L’UNHCR estime que, en 2016, 60 millions de personnes dans le monde ont été forcées de quitté leurs maisons, 60% de plus que la décennie présente.

Selon l’UNICEF, environ 31 millions d’enfants étaient réfugiés fin 2015, et 17 millions étaient déplacés à l’intérieur de leur pays…

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ORPHEUS XXI OU COMMENT REVENIR DES ENFERS

16 avril 2016. Tout commence peut-être là… Jordi Savall, gambiste, violoncelliste, chef d’orchestre et chef de chœur de génie, joue et partage la musique avec les migrants de la jungle de Calais…

Vous le connaissez, Jordi Savall… Ou vous connaissez sans doute sa musique, primée notamment aux CésarTous les matins du monde de Corneau, ou Marquise de Véra Balmont… Ce prodige de la musique baroque, d’Espagne, son pays natal, ou d’ailleurs, Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’Honneur, Ambassadeur européen pour le dialogue interculturel, Artiste de l’UNESCO pour la paix,  est non seulement un musicien exceptionnel, mais un humaniste accompli.

Jordi Savall dans la jungle de Calais en avril 2016.

Écoutez ce qui suit, vous allez reconnaître La Gavotte du Tendre de Marin Marais, extrait de Tous les Matins du monde….

Ce morceau-ci, vous le connaissez aussi : Marche pour la Cérémonie des Turcs, de Lully, interprété et dirigé, encore, par Jordi Savall :

Cet homme de talent, qui côtoie les plus grands, a monté un projet ambitieux, audacieux et tellement beau : réunir une vingtaine de migrants pour former un orchestre. Ils viennent de Syrie, d’Afghanistan ou d’Irak. Ils sont musiciens. Ils ont risqué leur vie pour fuir l’enfer. Ils sont hébergés à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, classée patrimoine mondial de l’Unesco, et accueilli par le directeur du site, Hubert Tassy. Voici ce que nous pouvons découvrir sur le site internet  de ce lieu exceptionnel :

 

ORPHEUS XXI – MUSIQUE POUR LA VIE ET LA DIGNITE

A l’initiative du musicien catalan Jordi Savall, le projet Europe Créative « ORPHEUS XXI » a pour objectif de permettre l’intégration de musiciens professionnels réfugiés et de transmettre leur culture aux enfants et adolescents déracinés.
Au-delà des dispositifs d’accueil et d’aide au logement pris en charge par les pouvoirs publics, la Saline royale et ses partenaires, prennent en compte de manière prioritaire la dimension culturelle des difficultés liées à l’intégration des populations réfugiées. Les populations cibles du projet sont, d’une part, les populations réfugiées (musiciens professionnels, jeunes instrumentistes ou chanteurs, enfants et leur famille) dont nous souhaitons favoriser l’intégration et, d’autre part, les populations locales (citoyens européens) à qui nous souhaitons faire découvrir les valeurs et cultures des réfugiés pour qu’elles enrichissent leurs propres cultures.
Nous souhaitons offrir à ces jeunes musiciens la chance de s’intégrer par le travail salarié, d’abord en tant qu’enseignants musicaux dans les écoles, puis en tant que concertistes lors de la tournée de notre orchestre interculturel. Le projet débute le 1er novembre 2016 et se terminera le 31 octobre 2018.

Pour en savoir plus sur la Saline, suivez ce lien.

Notons que les membres de l’association, Coop Agir, et sa présidente, Sylvie Laroche, prennent en charge l’intendance et le logement de ceux qui ne sont plus vraiment des « réfugiés » ou des « migrants », mais des musiciens. Tout simplement.

Les deux vidéos qui suivent ont été réalisées par France Télévision, et relayées par divers médias sur internet. 

 

 

 

 

 

De cet amour de la musique, de ce mariage de l’Orient et de l’Occident, renaît l’humanité, comme ce fut le cas en 2012, avec Hesperion XXI :

Orpheus XXI. Orphée, héros de la mythologie grecque, fils d’un roi de Thrace et de la muse Calliope. Poète et musicien, il charmait les bêtes sauvages par la musique divine de sa lyre. Même le redoutable Cerbère succomba… Il alla jusqu’ à ramener son amour, Eurydice, des Enfers

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MADEMOISELLE EST MORTE…

En ce 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes, il est grand temps de célébrer un deuil… Celui d’un mot : «mademoiselle». Mademoiselle a disparu, quasiment totalement, des formulaires administratifs. Pas encore totalement de notre vocabulaire. Disparition symbolique ? Disparition inutile ? Oh que non, quand on sait le poids et le pouvoir des mots. Quand on est persuadé qu’ils modèlent notre pensée, notre mentalité et donc notre comportement. Petit retour nécessaire sur une question de vocabulaire…

Campagne « madame ou madame », lancée par un groupe féministe.

« demoiselle » vient du latin dominicella, issu lui-même de domina, la « maîtresse de maison ». La domina est une femme d’un milieu aisé, de notables, qui occupe un rang important dans la société antique. Le mot dominicella désigne la version jeune et non mariée de cette classe de femmes. Au Moyen Âge, le mot «damoiselle» désigne toujours cette catégorie de jeunes femmes célibataires de la noblesse. Et le masculin existe : «damoisel» ou «damoiseau». L’égalité est parfaite… Le damoiseau étant ce jeune homme aspirant à devenir chevalier.

Notons que « pucelle » existe aussi. On en connaît une très célèbre, la Pucelle d’Orléans. Ce mot désigne alors, toujours à l’époque médiévale, une jeune femme non encore mariée, et vierge ; on insiste en effet sur la pureté de la personne (pullicella est le féminin de pullus, purulus, purus qui a donné « pur »).

Au fil du temps, « mademoiselle » désigne surtout une femme de haute condition sociale, sans prendre en compte la situation maritale de la dame en question. Souvenons-nous du désespoir de George Dandin, triste héros d’une comédie que Molière présenta en 1666, et qui se plaint, lui riche paysan, de son mariage avec une jeune femme de la noblesse désargentée :

Ah ! qu’une femme demoiselle est une étrange affaire !

« demoiselle » ici désigne bien la femme née noble, mais qui n’éprouve pas toujours le prestige de la catégorie sociale à laquelle elle appartient.

« Mademoiselle » était aussi un titre porté par la nièce du Roi, son frère le plus jeune portant le titre de « Monsieur ». L’appellation « Madame » était normalement d’usage pour les membres de la famille royale… non titrées ou non mariées !  Les exemples les plus connus sont les sœurs de Louis XVI, ou encore Henriette d’Angleterre (épouse de Philippe d’Orléans). La rue Mademoiselle à Paris doit son nom à Louise Marie Thérèse d’Artois, fille du duc de Berry.

Mlle de Scudéry, célèbre écrivaine du XVIIème siècle.

D’autres « Mademoiselles » sont restées célèbres. Les actrices par exemple. Mademoiselle Clairon, actrice populaire du XVIIIème siècle ou Mademoiselle Jeanne Moreau plus proche de nous. Il s’agit d’une tradition qui remonte au XVIIe siècle, et qui s’est conservée chez les sociétaires de la Comédie Française. On pense aussi à Coco, Mademoiselle Chanel. Demoiselles célèbres… et officiellement célibataires, car non mariées, voire non mariables à cause de leur profession

Coco Chanel en 1920.

Et c’est bien là le problème. Les féministes, dès la fin du XIXème siècle, s’insurgent contre cette discrimination à l’égard des femmes : pourquoi distinguer la femme célibataire, mademoiselle, de la femme mariée, madame, quand chez les hommes cette distinction n’existe pas ? Monsieur, c’est monsieur !

Dans les années 1970, il est encore d’usage d’adresser ou de référencer par « Madame » les femmes célibataires occupant une position d’autorité ou d’indépendance (commerçantes, directrices, …). « Madame » entre dans les normes dans les années 1980 pour les femmes ayant eu des enfants, qu’elles soient mariées ou non, et pour les femmes ayant atteint l’âge adulte. Alors qu’ on appelait encore « mademoiselle » certaines employées comme les vendeuses, les employées de maison ou les préceptrices, même lorsqu’elles étaient mariées.

Depuis, « mademoiselle » en France, « Miss » en Angleterre ou « Fräulein » en Allemagne, tombent en désuétude, et cette mort des mots accompagne une lutte contre les discriminations sexistes dont souffrent les femmes. « Mademoiselle » plaçait la femme dans une sorte de statut de « mineure », « fille de » et pas encore « femme de ». Avec « Madame », on ne considère plus la femme que comme un être indépendant et autonome.

Le 21 février 2012, sur la proposition de la ministre des Solidarités Roselyne Bachelot, le Premier ministre François Fillon dans la circulaire no 5575 supprime l’utilisation des termes Mademoiselle, nom de jeune fille, nom patronymique, nom d’épouse et nom d’époux des formulaires et correspondances des administrations. Le 26 décembre 2012, le Conseil d’État valide la suppression du « Mademoiselle » dans les documents administratifs…

Mademoiselle est morte… Vive Madame !

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L’AMOUR, C’EST QUOI ?

« Parlez-moi d’amour, Oh dites-moi des choses tendres… » 14 février : depuis le XIVème siècle en Angleterre et depuis le XIXème siècle un peu partout ailleurs, les amoureux s’échangent de petits cadeaux en gage de leurs sentiments. Il serait peut-être utile de faire le point sur ce sentiment -ou ce concept ?- qui peut enflammer, consumer ou briser les cœurs… Qu’est-ce que l’amour ? Quelques pistes à suivre et à méditer…

Le couple d'amoureux selon Robert Doisneau.
Le couple d’amoureux selon Robert Doisneau.

AGAPE

Les Grecs définissaient trois formes d’amour. L’agape, la filia et l’eros. Déclinées à leur tour selon des modalités terrestre ou céleste. Ainsi, l’agape, c’est l’amour fraternel, l’amitié. L’amour pour ceux et celles que l’on a choisi d’aimer. Les ami(e)s. Il a son pendant : la philanthropia, qui est l’amour agape mais pour l’humanité entière…Voici ce que dit Cicéron, en 44 avant J.C., à propos de l’amitié :


La force que recèle l’amitié devient tout à fait claire pour l’esprit si l’on considère ceci : parmi l’infinie société du genre humain, que la nature elle-même a ménagée, un lien est contracté et resserré si étroitement que l’affection se trouve uniquement condensée entre deux personnes, ou à peine davantage.
  Ainsi l’amitié n’est rien d’autre qu’une unanimité en toutes choses, divines et humaines, assortie d’affection et de bienveillance : je me demande si elle ne serait pas, la sagesse exceptée, ce que l’homme a reçu de meilleur des dieux immortels. Certains aiment mieux les richesses, d’autres la santé, d’autres le pouvoir, d’autres les honneurs, beaucoup de gens aussi lui préfèrent les plaisirs. Ce dernier choix est celui des brutes, mais les choix précédents sont précaires et incertains, reposent moins sur nos résolutions que sur les fantaisies de la fortune. Quant à ceux qui placent dans la vertu le souverain bien, leur choix est certes lumineux, puisque c’est cette même vertu qui fait naître l’amitié et la retient, et que sans vertu, il n’est pas d’amitié possible !

Une unanimité en toutes choses, assortie d’affection et de bienveillance. Cette définition est toutefois sujette à conditions. Et le philosophe de mettre en garde :

Voici donc les limites à respecter, selon moi : si les mœurs des amis sont bien policées, ils instaureront entre eux une communauté en toutes choses, ambitions, projets, sans aucune exception; en outre, s’il arrivait par accident qu’on dût assister des amis dans des projets pas très convenables, où sont en jeu leur personne ou leur réputation, on s’autorisera un écart de conduite, pourvu que l’honneur n’ait pas à en souffrir gravement. En effet, jusqu’à un certain point, il y a des concessions que l’on peut faire à l’amitié sans qu’il faille vraiment renoncer à notre réputation, ou perdre de vue que la sympathie des citoyens, dans le domaine politique, n’est pas une arme à sous-estimer : qu’il soit ignoble de la récolter par les flatteries et la démagogie n’implique pas que la vertu, qui suscite aussi l’affection, doive le moins du monde être rejetée. Pour lire la suite du texte de Cicéron, suivez ce lien : ici.

Les deux amis les plus célèbres de la littérature française sont sans conteste Montaigne et La Boétie. Parce que c’était lui, parce que c’était moi. Amitié inconditionnelle, tautologique. Voici ce qu’écrit Montaigne dans ses Essais à propos de ce noble sentiment :

Les amitiés communes, on les peut départir, on peut aimer en celui-ci la beauté, en cet autre la facilité de ses mœurs (…) ; mais cette amitié qui possède l’âme et la régente en toute souveraineté, il est impossible qu’elle soit double.
La Boétie, génie précoce, avait d’ailleurs écrit ces lignes, prémonitoires, à son ami :
Si le destin le veut, la postérité, sois-en sûr/Portera nos deux noms sur la liste des amis célèbres.
Montaigne et La Boétie, les deux amis les plus célèbres de la littérature française.
Montaigne et La Boétie, les deux amis les plus célèbres de la littérature française.
Pour relire l’article du Monde qui retrace l’amitié exemplaire de ces deux hommes, c’est par .
L’amitié, sentiment fort, indéfectible visiblement… Entre personnes du même sexe ? de sexes différents ? L’amitié, plus fort que l’amour car débarrassée de tout sexe ? À méditer…

FILIA

C’est l’amour filial. D’un parent pour son enfant. D’un enfant pour ses parents. Philippe Ariès, dans son ouvrage paru en 1960, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, avait démontré que l’amour n’est pas évident jusqu’au Moyen Âge. La forte mortalité infantile pourrait expliquer ce phénomène. L’idée d’«enfance» existe encore moins… Dès qu’un enfant est sevré et autonome, il est considéré comme un adulte. Pas d’enfance, certes, mais certains historiens remettent en cause la théorie de Ariès sur l’amour qu’on porte aux enfants. Il n’en reste pas moins que la conception de l’enfance, et la place importante que nous accordons à l’enfant dans notre société moderne, trouve ses origines dans un passé proche, avec les progrès de la santé, la contraception et le resserrement de la cellule familiale autour du noyau primordial, parent – enfants.
On n’aime pas ses enfants alors ? On n’aime pas ses parents ? Disons qu’on parlait plutôt descendance et transmission d’un patrimoine avec les uns, et de piété avec les autres. L’amour pour les parents est aussi une invention moderne. Il s’apparente à une affection, la storge des Grecs, l’amour qui « prend soin ».
Évidemment, les textes de piété filiale sont légion… Je retiendrai ces lignes du Livre de ma mère, de ALbert Cohen, le plus beau chant d’amour pour une mère que la littérature ait pu produire :
Avec les plus aimés, amis, filles et femmes aimantes, il me faut un peu paraître, dissimuler un peu. Avec ma mère, je n avais qu’à être ce que j étais, avec mes angoisses, mes pauvres faiblesses, mes misères du corps et de l âme. Elle ne m aimait pas moins. Amour de ma mère, à nul autre pareil. (…) O toi, la seule, mère, ma mère et de tous les hommes, toi seule, notre mère, mérites notre confiance et notre amour. Tout le reste, femmes, frères, sœurs, enfants, amis, tout le reste n’est que misère et feuilles emportée par le vent. (…) Pleurer sa mère, c’est pleurer son enfance. L homme veut son enfance, veut la ravoir, et s il aime davantage sa mère à mesure qu’il avance en âge, c’est parce que sa mère, c’est son enfance. ALbert Cohen, Le Livre de ma mère, 1954.

EROS

Eros, c’est l’amour charnel, le pendant terrestre de l’amour platonique. Et c’est là que les ennuis commencent. Finies la quiétude et la sérénité. On est inquiet, soucieux de savoir ce que fait l’autre, s’il partage bien les mêmes sentiments, si cet amour durera toujours… Eros se mâtine bien sûr de désir, de pulsion. Freud, et ses successeurs de toutes écoles, démontrent la part importante de la libido dans le sentiment amoureux. Une histoire de phéromones aussi ; ça, ce sont les découvertes en biochimie qui le font apparaître… Ce parfum d’amour dont rêvait Jean Baptiste Grenouille dans le roman époustouflant de Süskind paru en 1985 avoisine la mort… Eros et Thanatos : amour et haine sont deux sentiments voisins. L’amour passion devient oubli de soi, et folie. Albert Cohen, encore, raconte cet amour fou dans le plus beau roman d’amour de la littérature française, selon moi… : Belle du seigneur (1968). Le roman transporte, et l’histoire se métamorphose en tragédie…
Ô cette joie complice de se regarder devant les autres, joie de sortir ensemble, joie d’aller au cinéma et de se serrer la main dans l’obscurité, et de se regarder lorsque la lumière revenait, et puis ils retournaient chez elle pour s’aimer mieux, lui orgueilleux d’elle, et tous se retournaient quand ils passaient, et les vieux souffraient de tant d’amour et de beauté. 
Extrait de Belle du Seigneur, Albert Cohen.
Quatrième de couverture de Belle du Seigneur, Albert Cohen.
En littérature, en art, on dirait que l’amour, pour durer, doit demeurer impossible, voué à l’échec, voire à la mort ; les amoureux célèbres sont des amants malheureux : Roméo et Juliette, Tristan et Yseult, Pyrame et Thisbé, Orphée et Eurydice…
Célèbre statue d'Eros de Picadilly Circus, Alfred Gilbert (1892).
Célèbre statue d’Eros de Picadilly Circus, Alfred Gilbert (1892).
Et dans la vraie vie ? Comment dure un amour ? Mais si Freud avait raison ? Et si aimer, quelle que soit la forme d’amour, c’était toujours n’aimer que soi à travers les autres… Pour Helen Fisher, il existerait même une loi implacable du cycle amoureux, sa moyenne ne dépassant pas trois ou quatre ans, tout au plus. Cela correspondrait à un « cycle naturel ». C’est le temps qu’il faut pour nouer une relation, faire un enfant et s’assurer des soins nécessaires à la petite enfance. Dès lors, le couple pourrait alors se séparer et chacun trouver un nouveau partenaire. Loi évolutionniste ou pas, les sentiments sont fragiles (H. Fisher, Histoire naturelle de l’amour, Robert Laffont, 1994). On dirait que la recette du bonheur dans le couple s’accommode d’une pincée de chacune des formes d’amours examinées ci-dessus : un peu d’eros pour assouvir la jeunesse des sens, un peu de filia et de storge, pour prendre soin de l’autre, un peu de philanthropia pour comprendre erreurs et errements, un peu d’agape pour que l’être aimé demeure un(e) ami(e), tout au long des années… Et si l’amour n’était pas un sentiment, mais un concept ou un art… Ovide, au début de notre ère,  donne des conseils dans son Art d’aimer. Art de séduire et art d’être aimé :  « Sois aimable et tu seras aimé ». L’Art d’aimer est également le titre d’un livre publié en 1956 par Erich Fromm (1900-1980), l’un des philosophes freudo-marxistes de l’école de Francfort. Voici ce qu’il dit  de l’amour :
La première démarche qui s’impose est de prendre conscience que l’amour est un art, comme vivre est un art.
L’amour authentique suppose de surmonter notre narcissisme ou notre dépendance pour fonder une relation amoureuse basée sur le respect de l’autre. Pour Ovide comme pour Fromm, l’amour n’est pas un sentiment qui va de soi, mais il s’entretient et se cultive…
Nous renvoyons au très riche article de Jean François Dortier, publié en septembre 2015, dans la revue des Sciences Humaines. C’est par ici.

CHACUN FAIT AS MODE : LE DEFILE SOUS TOUTES SES COUTURES

Fauteuil trône, drapé soyeux et rouge profond. Fauteuil traîne,  tulle et chapeau blanc. Fauteuil arbre, branches colorées et oiseaux des îles. Robes accordéons pour accordéonistes. Ombrelles et dentelles. Parapluies à gouttes de tulle,  froufrous en noir et blanc. Robes de soirée à cœurs et pompons papiers collés. Robes à tubes et tuyaux dorés. Rouge boudeur et boutons de roses. Robe à visage, robe à lunettes et escarpins vernis. Tubes et lamelles de métal noir, tresses africaines brunes et blondes. Froufrou fourrure et fauteuil chauve souris. Les créations du Défilé hors normes CHACUN FAIT AS MODE, présentées ce samedi 21 janvier au Grand Sud à Lille, ont enflammé le podium d’un soir et les cœurs des spectateurs. Retour sur ce moment hot en couleurs et en joie…

Une différence ? L'une est blonde, l'autre est brune...
Une différence ? L’une est blonde, l’autre est brune…. Photo de Jérôme Haremza.

UN DÉFILÉ DÉFI

88 mannequins, valides, non valides, 150 personnes mobilisées pour créer l’événement. De la création des costumes à la mise en scène. Enfants et jeunes de l’IEM Jules Ferry de Lille et de l’IEM Dabbadie, à Villeneuve d’Ascq ;  enfants et jeunes des Services d’éducation et de soins spécialisés à domicile, les SESSD Jean Grafteaux, Les Près, Marc Sautelet basés à Villeneuve d’Ascq encore ;  enfants et jeunes venus de tous les coins des Hauts  de France, qui sont sollicités pour créer des costumes et les présenter au public. Comédiens de La Folle Avoine, danseurs de N’DIDANCE, de Danse qui veut et Abdallah le danseur prometteur.  Jongleurs de la Freaky Factory. Techniciens de la Salle du Grand Sud. Partenaires du Centre social de l’Arbrisseau. Ambassadeurs de la Ville de Lille. Bénévoles de l’Amicale Marc Sautelet. De l’APF. De Don de Soie. D‘Épin’Art.  Coiffeurs et coiffeuses de l’école InformatIf. Spécialistes de La Maison des Modes. Le Rêve de Norinia et Catherine Faidherbe, LMAC et Audrey Boulfroy en grands commanditaires et organisateurs de cet événement fou. Annie Fovette en créatrice de mode et en directrice artistique. Bernard Philippe enfin, metteur en scène, rassembleur de pièces de puzzle, en grand architecte de ce monument d’un soir. Permettre à tout ce petit monde de réaliser un rêve : être créateur et mannequin le temps d’un défilé… Mission accomplie, défi relevé…

Mannequins d'un soir...
Mannequins d’un soir… Photo de Jérôme Haremza.

UN DÉFILÉ QUI FAIT FI DES DIFFÉRENCES

Édouard et Pénélope, maîtres de cérémonie de la Cie théâtrale La Folle Avoine, nous préviennent : on

Mannequins d'un soir...
Mannequins d’un soir… Photo de Jérôme Haremza.

fait fi des différences. De la différence. On raye le mot de son vocabulaire. Parce que les différences, on ne les soupçonne pas ! Jeunes ou (beaucoup) moins jeunes, noirs et blancs, filles et garçons, hommes et femmes, enfants et adultes, valides et non valides… On a en effet du mal à percevoir ce qui les différencie. Par contre, on voit immédiatement ce qui se ressemble et qui les rassemble. Ce sont les mêmes explosions de couleurs, de formes et d’inventivité dans la création des costumes. C’est la même démarche assurée, sur le  podium et dans les têtes. Ce sont les mêmes mimiques et minauderies empruntées en un clin d’œil aux pro de la mode. Ces sont les mêmes sourires accrochés à tous les visages et les mêmes baisers de fraternité envoyés au public. C’est la même émotion, sur scène et dans la salle. Légère et s’exaltant au fil du défilé, à l’image de ces petits ballons qui s’échappent d’une robe enfantine…

Robes ballons... un exemple de créations... Photo de Jérôme Haremza.
Robes ballons… un exemple de créations…Photo de Jérôme Haremza.
... et des sourires sur tous les visages...
… et des sourires sur tous les visages… Photo de Jérôme Haremza.

UN DÉFILÉ… LA FIN ?

Fantaisie, Poésie, Insolite, Fashion. 4 mouvements d’une symphonie éclectique, reliés par des impromptus de danse, de comédie, d’humour, de musique et de mystère. Gentillesse, rires, amour, joie, 4 mots cueillis au hasard du défilé, 4 mots accrochés à un parapluie,  qui résument  à merveille l’esprit de cette soirée unique… Pour prolonger encore un peu cette communion entre acteurs et spectateurs, des photos, prises par François Dehaene et Virginie Rooses. Et un DVD est en préparation. Parce qu’on ne peut que graver un souvenir de cette intensité…

Blog de LMAC : ici.

Page Facebook de LMAC : là.

Site de Le Rêve de Norinia : par ici.

Page Facebook de Le Rêve de Norinia : là.

Page Facebook de la salle Le Grand Sud à Lille : ici.

Page Facebook de François Dehaene, photographe : ici.

Page Facebook de Virginie Rooses, photographe : .

Page Facebook de Jérôme Haremza : ici.

Les photos ont été fournies par JEROME HAREMZA : qu’il en soit remercié !

Ah ! C’est heRVé : LA RELEVE DES PROUT…

 Doofy, Tijo, Bout’, L’Étoilé, R Max, Géo, Kode, Le Belge et Mit’ch : les Ah ! C’est Hervé, c’est eux. Deux groupes de copains carnavaleux qui ne font plus qu’un. 6 ACR et le Club des V. ACRV. Ah ! C’est Hervé. Et ça y est, le groupe est créé. LeMag@zoom les avait rencontrés l’année dernière. Au risque d’en NRV plus d’un, les ACRV prennent du galon et s’offrent les Prout en seconde partie au Kursaal, le samedi 21 janvier prochain… Pour en savoir plus, suivez la clique…

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AH ! C’EST QUOI ?

Un groupe qui tourne depuis quatre ans maintenant. Des titres originaux,  travaillés et retravaillés. Mit’ch et Doofy, paroliers,  au stylo et au papier. Tout le monde pour le style et le tempo. Un groupe est né. Un vrai. Qui partage la bonne humeur et l’humour autant que la musique. L’ année 2015 pour composer et faire exister les 6 titres de leur album. Financement ?  Ah, c’est Ulule, plateforme de financement participatif. Arrangement et écriture des partitions ? Ah, c’est Ludovic Minne. Enregistrement et mixage ? Ah, c’est Pierre Thouvenot, de Orion Productions.  Ah !  Y a un album alors ? Ah ! bien oui : et on le trouve chez tous les amoureux du carnaval…
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AH ! C’EST QUI ?

On ne veut pas gagner d’argent. D’ailleurs, on a créé une association qui reversera tous les bénéfices sous forme de dons. On veut juste s’amuser, et partager le plaisir du carnaval.

C’est RMax, la tête pensante du groupe, qui l’affirme. Et tous sont d’accord : ce qu’ils aiment dans le carnaval, c’est la bonne ambiance, l’hospitalité, l’accueil, le partage, la fête. C’est ce qu’ils veulent transmettre à travers leurs chansons de chapelles.

Leur inspiration ? Ah, c’est Sert’che et Pierrot des Blues Zoulous bien sûr. Et Les Prout, évidemment ! D’ailleurs, ils ont confié que leur chanson préférée, sur les six que contient l’album, est celle qu’ils dédient aux Prout. Comme un hommage à ceux qui leur ont donné envie de chanter. Ah ! C’est Hervé en première partie des Prout ? Et pourquoi pas les Prout en première partie des Ah ! C’est Hervé… La relève et l’humour sont assurés ! Et leur vœu exaucé, puisqu’ils assureront la première partie du concert des Prout, samedi 21 janvier 2017 au Kursaal de Dunkerque.

Le groupe, sans maquillage et sans clet'che...
Le groupe, sans maquillage et sans clet’che…

Voilà le bel esprit de cette fine équipe. Dans le civil, ils sont kiné, policier ou travaillent dans l’industrie. Mais on trouve aussi un « gastronome goûteur de plats du Dyck et finisseur de plats ». Et ils sont tous buveurs de bière, évidemment… Et ils ont tous l’œil qui pétille, le rire facile et l’humour  qui pointe comme les tet’ches d’une matante.

Musiciens ? À Dunkerque, on est tous musiciens !  Même si Cyril, alias L’Étoilé, a « doublé 5 fois sa deuxième année de solfège », ils sont tous plus ou moins tombés dans la marmite des fifres et des tromblons : un père cornemuseux pour l’un, une mère chanteuse pour l’autre, un père « chanteur syndicaliste de manif » pour un autre encore… Et des potes musiciens piliers de la clique en renfort. Pour l’enregistrement de l’album, la clique de Ludovic Minne. Pour les concerts « en live », la Bandas des Flandres : entre autres Mathieu Loisel et les 10 autres  musiciens qui joindront leur talent à celui des ACRV. Sans oublier Dondon à l’accordéon…

En attendant de les découvrir sur scène, un avant goût, comme une avant bande… :

 

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EPI… QUOI ENCORE ?

« Comme les Rois Mages / En Galilée / Suivaient des yeux l’étoile du Berger » lalala… Évidemment c’est une chanson de Sheila que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ! Comme intro, j’aurais pu choisir quelque chose de plus universel. En même temps, si je cite l’Évangile de Matthieu, je risque de faire fuir tout le monde… Non, ne partez pas, chers lecteurs du Mag@zoom ! Cet article va vous permettre de vous sentir moins bêtes, ces prochains jours, lorsque vous serez confrontés à la sacro sainte tradition de la galette des rois. Beurre, frangipane ou aux pommes. Alors, qu’est-ce que l’Épiphanie ? Qui sont les Rois Mages ? Pourquoi la galette ? Et pourquoi j’ai jamais la fève ? Toutes les questions que vous vous posez depuis toujours sans avoir jamais osé l’avouer  trouvent leurs réponses ici !

ÉPI… QUOI ?

L’épiphanie, sans majuscule, est la manifestation de quelque chose de sacré ou de divin. C’est le sens premier du mot. Et les Anciens polythéistes utilisaient volontiers ce mot, concurrent d’un autre, «théophanie», pour désigner les apparitions des dieux aux hommes. Avec une majuscule, le mot désigne la fête religieuse, faisant maintenant partie de notre culture au sens large du terme, qui commémore l’apparition du Christ aux rois mages venus pour l’honorer. La différence avec la culture antique païenne, c’est que cette « apparition  » est en fait incarnation d’une divinité dans un enfant engendré d’une femme. Avec Noël, l’Épiphanie fait partie d’un cycle de fêtes de célébration du retour de la lumière, ayant pour pivot le solstice d’hiver. Capito ? non ? alors je vous invite à parcourir notre précédent article Noël c’est quoi ? Le retour de la lumière donc. 12 jours après Noël, l’Épiphanie, célébrée le 6 janvier (ou le deuxième dimanche après Noël quand le 6 janvier n’est pas férié), marque un réel et sensible allongement de la durée des jours. 12 jours, le nombre n’est pas choisi au hasard : symbolisant l’idée de totalité, il se réfère aux 12 mois de l’année ou aux 12 tribus d’Israël.

LES ROIS MAGES

Vélasquez, Adoration des Mages, 1619
Vélasquez, Adoration des Mages, 1619.

L’Évangile de Matthieu est le seul du Nouveau Testament à évoquer l’existence de rois mages, missionnés par Hérode, ou venus d’Orient selon d’autres textes apocryphes, pour rendre compte de la naissance du Christ, pour le moins exceptionnelle. Michel Tournier, dans son passionnant roman Gaspard, Melchior et Balthazar, revisite la légende. Il fait de Gaspard le roi de Méroé, ville de Nubie, Soudan actuel : « Je suis noir, mais je suis roi ». Melchior est prince de Palmyrène, contrée de Syrie. Et Balthazar est roi de Nippur, cité de l’actuelle Irak. Rois orientaux, sages, prêtres, hommes de sciences, astronomes et astrologues, sachant lire la carte du ciel et suivre l’étoile, ils sont appelés « mages » parce qu’ils ont une connaissance du sacré et de l’ésotérique. Ils offrent l’or, l’encens et la myrrhe, tout ce qu’il y a de plus précieux dans cet antique Orient. Leur identité est incertaine ; leur légende s’est tissée au fil des siècles, servie par la richesse et l’abondance des récits et de l’iconographie. Ainsi, pourrait-on voir dans le choix de leur nom une référence à une prière de bénédiction commençant par ces mots : « G/Christus Mansionem Benedicat ». Chaque initiale correspondant aux initiales des noms des mages.

FÈVE ET GALETTE

Pourquoi mange-t-on de la galette ? Pourquoi y placer une fève ? La fève, à l’origine, c’est une vraie fève. Un légume sec. Celui qui récupérait la fève était désigné roi. Eh bien figurez-vous que cette coutume est antérieure à l’histoire biblique, et le roi de la galette n’est d’abord pas un roi mage ! Je m’explique. Dans l’Antiquité, et avant la naissance du Christ, les Romains avaient pour habitude de célébrer le solstice d’hiver, aux alentours du 25 décembre. Les Saturnales. Cette fête se prolongeait sur une douzaine de jours (tiens, tiens, 12…) et était un peu l’équivalent de notre carnaval : la hiérarchie sociale, ainsi que toute logique, s’inversaient : les esclaves devenaient maîtres, ce qui était d’ordinaire défendu était permis… et les soldats avaient pour habitude de tirer au sort parmi les condamnés à mort celui qui serait roi d’un jour. Ils se partageaient alors un gâteau dans lequel ils avaient placé une fève, et le plus jeune décidait de l’attribution des parts. Cette tradition s’est d’abord répandue dans les familles romaines, avant d’intégrer le folklore lié à la religion chrétienne, à partir du XIVème siècle.

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La traditionnelle galette des rois…

Les figurines en porcelaine remplacent les fèves à la fin du XIXème siècle, pour la joie des collectionneurs ! Et les variantes de la traditionnelle galette à la frangipane se multiplient : au beurre dans le dunkerquois, elle est brioche en forme de couronne dans le sud-ouest, et la même couronne briochée se pare de fruits confits dans le sud-est.

« Moi j’aime la galette, savez-vous comment ? quand elle est bien faite, avec du beurre dedans, lalala… »

Bon, la connaissez celle-là, hein ?! Et vous, vous l’aimez comment la galette ?

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GRANDE SYNTHE – KABOUL

Il s’appelle M…z. Il a 15 ans. Un visage d’ange. Une voix d’ange. Doux comme un agneau. Qu’on mène au sacrifice, pour l’heure… Son histoire ? Elle ressemble à toutes celles, bien tristes, de réfugiés dans l’attente. L’attente. D’un regroupement familial. D’un miracle de l’administration française pour qu’elle accélère le traitement d’un dossier, le sien, parmi des centaines d’autres. L’attente d’un  rêve : celui de pouvoir serrer enfin dans ses bras une maman qu’il n’a pas vue depuis des mois. Et  4 petites sœurs qu’il n’a pas vues grandir… Il attend ce miracle qui ferait que l’administration française à travers les papiers, tampons, et autres courriers et récépissés, voie enfin les visages de réfugiés en souffrance, la détresse d’une famille écartelée…

Son français est de moins en moins hésitant. Il en a faits, des progrès, depuis un peu plus d’un an qu’il est scolarisé au collège Jules Verne de Grande Synthe. Il a des ami(e)s. Il aime l’école. Il travaille beaucoup. Il veut réussir. Son grand projet ? Intégrer un jour Sciences Po. Il est bien intégré en somme. Et il est soutenu. Par ses camarades. Et par ses professeurs. Notamment par Caroline Riedi, professeure d’anglais, qui a pris à bras le corps la détresse qui gagne Momtaz depuis quelques semaines. Qui s’est alarmée de la tristesse qui grandit chez cet adolescent originaire de la province de Nangarhar en Afghanistan. De Bessoud plus exactement. Petite ville jamais vraiment tranquille, comme le reste du pays du reste.

Fermier de Bessoud, petite ville dont est originaire Momtaz.
Fermier de Bessoud, petite ville dont est originaire Momtaz.

Pays pris en étau entre les combattants de Daesh d’un côté, qui veulent étendre leur État Islamique jusque dans les zones les plus reculées ; et les Talibans, qui n’ont jamais vraiment renoncé à leur emprise depuis l’intervention d’une coalition internationale en 2001.  Pays qui n’a jamais vraiment connu la paix depuis son invasion par l’URSS en 1979, tiraillé aujourd’hui entre ces extrémismes de tous bords, al Qaïda s’invitant dans la ronde des combats et des attentats toujours plus meurtriers… Attaque suicide contre un consulat allemand, le 11 novembre. Explosion meurtrière dans la base militaire de Bagram, le 12 novembre. Explosion dans une mosquée chiite de Kaboul, le 21 novembre. Les Nations unies décrivent une situation « alarmante » en Afghanistan. Le pays enregistre, au 30 novembre 2016, un nouveau record de plus d’un demi-million de civils déplacés depuis le début de l’année, fuyant la violence et les combats. Plus du double comparé à 2014.

L'Afghanistan est en proie à des luttes sanglantes.
L’Afghanistan est en proie à des luttes sanglantes.

Et c’est dans cette poudrière que vivent les 4 petites sœurs de M…z. Et c’est vers cette terre ensanglantée par la terreur que la maman de M…z a décidé de retourner, il y a peu, pour tenter de récupérer ces 4 filles…

Alors M…z a écrit. Aux différents services de l’administration française. Au Ministère de l’Intérieur, à la Direction de l’Immigration, à la Sous-Direction des Visas, Bureau Familles. À l’Office Français des Réfugiés et Apatrides. À l’Ambassade de France à Kaboul. Il frappe à toutes les portes de cette forteresse kafkaïenne, pour y raconter son histoire :

Bonjour Madame, Monsieur

Nous sommes arrivés en France le 19 septembre 2015 avec mon frère I…H et ma mère F…A A…B par regroupement familial. Mon père est arrivé en France 2010. Mes sœurs sont en Afghanistan parce qu’elles ne sont pas déclarées réfugiées. Mon père qui ne connaissait pas le fonctionnement de l’administration française, a eu peur de demander le regroupement familial en même temps pour tous ses enfants, car il avait peur que tous ses enfants soient refusés parce que nous sommes 6. Il pensait qu’avoir 4 filles et 2 garçons était mal vu en France.  Il pensait même que ma mère, mon frère et moi ne viendrions jamais parce qu’il ne comprend pas. La culture Afghane et la culture Française sont différentes. Ma mère est repartie en Afghanistan pour rester avec mes sœurs, car si un enfant est éloigné de ses parents, il est en danger, menacé directement par Daech.  Ma mère me manque , mon frère I…H est triste , il pleure tous les soir. Nous aimerions retrouver notre mère et nos sœurs.  Mes professeurs disent que je travaille très bien,  je trouve que je comprends le mieux en mieux, mais les problèmes de papiers et ma tristesse m’empêchent de travailler comme je le voudrais. J’aimerais tellement que mes sœurs et ma mère nous rejoignent.

Dans l’espoir d’une réponse favorable de votre part, je vous prie l’agréer, Madame, Monsieur l’expression de mes salutations distinguées.

La lettre de Momtaz...
La lettre de Momtaz…
La Lettre de Momtaz...
La Lettre de Momtaz…

M…z n’a pas de jolis souvenirs d’enfance. Il ne lui reste de l’Afghanistan que des images de guerre. Quand on lui demande ce qu’il souhaiterait pour l’année nouvelle qui s’approche, pour lui et pour le monde, il ne montre aucune hésitation : que sa mère et ses sœurs reviennent, et tout de suite ! Et que le monde vive en paix.

 

 

J’ai vu trop de guerres. On ne peut progresser que dans la paix…

Si vous voulez aider M…z, pour que le dossier de regroupement familial soit traité au plus vite, suivez ce lien : ici.

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images 3 et 4 : photographies de la lettre originale écrite par M…z confiées par Caroline Riedi. Qu’elle en soit remerciée…